Quatre Américains se trouvent actuellement à bord de l’ISS : Don Pettit, Nick Hague, Butch Wilmore et Suni Williams. Et comme les 160 millions d’Américains qui ont pu participer aux élections pour départager Donald Trump et Kamala Harris ainsi que les trois autres candidats dans le bras de fer qui les opposaient, ces astronautes ont pu participer à ce processus démocratique le plus normalement du monde… ou presque, malgré leur présence à bord de la Station Spatiale internationale (ISS), soit en orbite à une distance d’environ 400 kilomètres d’altitude au-dessus de la Terre. Et cette possibilité ne date pas d’hier. Voici comment ils ont procédé.
Une brève histoire de la démocratie depuis l’espace
L’histoire du vote depuis l’espace commence en 1996. L’astronaute John Blaha travaillait à bord de la station spatiale russe Mir, l’ancêtre de la Station spatiale internationale aujourd’hui disparue. Du fait de ce poste dans l’espace, il n’a pas pu voter physiquement lors de la course présidentielle qui opposait à l’époque le président Bill Clinton et Bob Dole. Toutefois, cela a changé dès l’année suivante sous la houppette de législateurs texans alertés par la situation des astronautes de la NASA, tous domicilés dans l’État du Texas. Dès 1997, une nouvelle loi signée par George W. Bush, le gouverneur de l’époque et futur président américain (de 2001 à 2009), a rendu le vote depuis l’espace juridiquement possible.
David Wolf devint ensuite la première personne à voter depuis l’espace en 1997, et ce, depuis cette même station spatiale russe Mir après qu’un législateur texan ait adopté une loi pour permettre aux astronautes de voter électroniquement. En 2004 et pour les élections américaines qui ont suivi, le processus était en place pour permettre aux astronautes américains à bord de l’ISS de voter depuis l’espace.
Concrètement, comment se passe le vote pour les élections américaines depuis l’ISS ?
Une demande de bulletin pour participer aux élections
Les astronautes doivent préalablement soumettre une demande de bulletin de vote à leur bureau de vote local. En réalité, « le processus de vote commence un an avant le lancement, quand les astronautes sont en mesure de choisir les élections (locales/fédérales/étatiques) auxquelles ils veulent participer dans l’espace », explique la NASA. « Ensuite, six mois avant les élections, les astronautes reçoivent un formulaire standard : le formulaire d’inscription pour les électeurs et le bulletin de vote pour absents. » Détail amusant : leur adresse est alors indiquée comme étant l’orbite basse. Ces bulletins pour absents sont envoyés numériquement aux astronautes qui les remplissent et les renvoient au contrôle de la mission qui le soumet ensuite aux autorités de vote.
Une procédure très cryptée
En principe, le vote depuis l’espace est donc très similaire à un vote par correspondance, bien que des aspects pratiques puissent le compliquer. Au lieu de voter grâce à un bulletin papier ou un formulaire électronique standard, les votes des astronautes finissent cryptés, puis envoyés grâce aux systèmes de communication hautement sécurisés de la NASA.
Pour ce faire, la NASA doit d’abord crypter le document avant son envoi à l’ISS en utilisant son Système de satellite de relais de données (TDRSS), un réseau de satellites de communication spécialisés qui fournissent des services de communication à de nombreux engins spatiaux de l’agence spatiale américaine. L’astronaute peut alors remplir son bulletin grâce à un ordinateur de bord, le tout équipé de données d’identification uniques pour garantir la sécurité de la procédure. Une fois que l’astronaute a voté, le bulletin est renvoyé sur Terre en utilisant le même système satellite que celui utilisé pour d’autres types de données.
« Les astronautes renoncent à de nombreux conforts dont bénéficient ceux qui sont sur Terre lorsqu’ils se lancent dans leurs voyages pour le bien de l’humanité. Bien qu’ils soient loin de chez eux, les réseaux de la NASA les connectent à leurs amis et à leur famille et leur donnent l’opportunité de participer à la démocratie et à la société tout en étant en orbite », déclare ainsi la NASA sur son blog. Un rappel s’il en fallait que si des astronautes réussissent à voter depuis l’espace, participer aux élections est non seulement un droit, mais aussi une responsabilité pour les votants restés sur Terre.
Et pour les autres astronautes ?
Pour les astronautes non Américains, la situation est différente. La plupart des agences spatiales, telles que l’Agence spatiale européenne (ESA), ne disposent en effet pas encore de protocoles permettant à leurs astronautes de voter depuis l’espace. Pour participer au même titre que les citoyens sur Terre, ils doivent donc généralement voter par anticipation avant leur départ ou déléguer leur vote à un représentant dans leur pays lorsque cela est possible.
Lors des élections européennes du 4 au 7 juin 2009, qui laissaient à l’époque présager un taux d’abstention élevé, l’astronaute belge Frank De Winne, également futur commandant de l’ISS, avait par exemple lancé un appel à voter dans un message télévisé diffusé à l’époque par les institutions européennes. Depuis l’espace où il s’était montré posté devant un drapeau européen et belge, il affirmait alors « je voterai par procuration, ainsi, je ne raterai pas les élections en étant ici. J’espère que vous aussi allez voter où que vous soyez et quelles que soient vos opinions politiques », montrant ainsi que même dans l’espace, le vote reste possible pour les citoyens européens.
Avec l’augmentation des vols habités, il est toutefois possible que plus de nations mettent en place des systèmes spéciaux pour permettre le vote depuis l’espace.
