Il y a plus de 10 000 ans, une parcelle de terre émergée reliait le Royaume-Uni actuel au continent européen. Ces deux dernières décennies, des travaux ont permis de mieux comprendre le Doggerland, un territoire du début de l’Holocène.
De terre émergée à banc de sable
Aujourd’hui, de nombreuses terres émergées sont menacées par la montée des eaux, par exemple l’archipel de Tuvalu, dans le Pacifique. Toutefois, certains lieux ont déjà disparu dans les océans il y a plusieurs millénaires dont le Doggerland, comme l’explique un dossier complet publié dans le Hakai Magazine le 5 décembre 2024.
Le Doggerland est une terre émergée au début de l’Holocène il y a 12 000 ans qui faisait la jonction entre l’actuel Royaume-Uni et le nord de l’Europe. La carte ci-après montre l’évolution de cette terre qui est devenue il y a 7 000 ans le Dogger Bank, un grand banc de sable d’une superficie de 17 600 km² encore présent aujourd’hui. Pourtant, le Doggerland couvrait à l’époque une zone dont la taille est comparable à celle de l’état de Washington aux États-Unis, soit plus de 180 000 km².

Le Doggerland : un lieu de vie riche en ressources
Situé à dix-huit mètres sous la surface de la mer du Nord, le Doggerland est aujourd’hui considéré comme étant un plateau continental submergé. Or, certaines études passées décrivaient cette terre comme étant à l’époque un lieu de passage, mais pour l’archéologue Vincent Gaffney de l’Université de Bradford (Royaume-Uni), il s’agissait plutôt d’un véritable lieu de vie. Le Doggerland disposait en effet d’eau, de nourriture et d’autres ressources dont les populations préhistoriques avaient besoin pour survivre. Il faut savoir que plusieurs indices laissent penser à un lieu de vie à part entière. Des os de mammifères (élans, loups, mammouth, etc.) étaient déjà péchés par des chalutiers au large des côtes britanniques à l’époque victorienne (1837-1901). Par la suite, des archéologues ont retrouvé de nombreux artéfacts sur les plages de la région.
Au Submerged Landscapes Research Center, Vincent Gaffney a passé les vingt dernières années à étudier le Doggerland à l’aide de cartes 3D et de données qui proviennent de sondages sismiques. Par ailleurs, des prélèvements de sédiments ont permis d’identifier pas moins de 574 espèces de plantes présentes avant l’Holocène. Il semble donc que cette zone était riche en ressources naturelles, un lieu propice aux chasseurs-cueilleurs de l’époque.
Pour le chercheur, l’histoire du Doggerland nous rappelle que le paysage que nous connaissons aujourd’hui est différent de ce qu’il était dans le passé et qu’il ne restera pas éternellement le même. « Alors que le changement climatique s’accélère à l’ère moderne, l’histoire de Doggerland devient l’histoire de notre avenir », déclare-t-il en effet. Surtout, il s’agit d’une preuve de la soumission et de la dépendance de l’humanité à la nature.