L’idée que des animaux terrestres puissent effectuer des traversées océaniques massives semble presque impensable. Pourtant, une équipe de biologistes vient de découvrir qu’une espèce d’iguanes aujourd’hui présente aux Fidji et aux Tonga a traversé l’un des plus grands océans du monde il y a des millions d’années sans l’aide de technologies modernes. Cet exploit a été réalisé grâce à un « radeau » naturel probablement constitué de végétation emportée par les tempêtes. Ce voyage spectaculaire de 8 000 kilomètres constitue probablement le plus grand périple transocéanique jamais effectué par un vertébré terrestre non humain.
Une histoire de survie et de migration
Les iguanes des Fidji, connus sous le nom scientifique de Brachylophus, sont aujourd’hui une partie intégrante de la faune des îles du Pacifique Sud. Cependant, leur origine a longtemps suscité des interrogations parmi les scientifiques, notamment en raison de leur appartenance à la famille des iguanes, une lignée animale que l’on retrouve principalement en Amérique. Les iguanes sont en effet largement répandus sur le continent américain, avec une diversité d’espèces adaptées à différents habitats, mais aucun autre groupe d’iguanes n’est présent de manière naturelle en dehors des Amériques, à l’exception notable des Fidji et de quelques autres îles du Pacifique Sud, comme les Tonga.
Avant les découvertes récentes, l’hypothèse la plus largement acceptée pour expliquer la présence de ces reptiles dans des régions aussi éloignées était liée à des mouvements terrestres au cours de l’histoire géologique. Les scientifiques pensaient que ces iguanes avaient pu atteindre les Fidji à travers des ponts terrestres, une hypothèse qui repose sur l’idée qu’il y a environ 30 millions d’années, les continents étaient plus proches les uns des autres. À cette époque, des terres immergées auraient donc pu relier les zones aujourd’hui séparées par des océans, ce qui aurait permis aux espèces de migrer entre l’Amérique et l’Océanie.
D’autres théories encore plus audacieuses suggéraient qu’à une époque où le climat était plus clément, l’Antarctique pourrait avoir servi de pont entre l’Australie et le Pacifique, facilitant ainsi la dispersion des iguanes. Néanmoins, bien qu’intéressantes, ces idées étaient surtout basées sur des spéculations géologiques et n’étaient étayées par aucune preuve directe.

8 000 kilomètres en mer
Dans le cadre de ces travaux, des chercheurs de l’Université de San Francisco ont analysé l’ADN des iguanes des Fidji et ont découvert que ces derniers sont étroitement liés aux iguanes du désert d’Amérique du Nord, mais que la lignée des premiers a divergé de celle des seconds relativement récemment, il y a environ dix millions d’années. Autrement dit, l’arrivée des iguanes aux Fidji aurait eu lieu bien plus tard que prévu. Cela signifie que ces reptiles ont forcément atteint les Fidji par voie maritime.
Cette découverte soulève une question intrigante : comment ces iguanes ont-ils réussi à effectuer un tel voyage de 8 000 kilomètres à travers l’océan Pacifique ? La réponse pourrait résider dans un phénomène observé chez d’autres espèces comme les tortues marines. Des animaux terrestres peuvent en effet parfois être emportés par des courants océaniques sur des masses de végétation ou des débris naturels qui forment ainsi un radeau de fortune. Néanmoins, le trajet des iguanes est particulièrement impressionnant en raison de la distance parcourue.
Originaires des déserts américains, ces animaux sont capables de survivre dans des conditions extrêmes, notamment sans eau pendant de longues périodes. Cette capacité d’adaptation aurait été essentielle pour leur survie pendant un tel voyage. Cependant, les chercheurs notent qu’à l’époque de leur migration, ces iguanes vivaient probablement dans des environnements plus humides, ce qui pourrait avoir facilité leur endurance à une traversée aussi longue. Les chercheurs suggèrent également que ces iguanes ont peut-être fait escale sur plusieurs îles au cours de leur périple.