Dans le désert d’Atacama au Chili, un vaste projet de production d’hydrogène pourrait compromettre la qualité du ciel et perturber les recherches des plus grands observatoires astronomiques du monde. Parmi les télescopes concernés, nous retrouvons le célèbre Very Large Telescope (VLT).
Une qualité du ciel compromise pour les télescopes
En décembre 2024, la société AES Andes, un producteur et distributeur d’électricité verte au Chili, annonçait dans un communiqué les procédures d’audit environnemental pour son futur projet INNA. Il s’agit d’un projet géant de production d’hydrogène vert et d’ammoniac à partir de l’électrolyse de l’eau de mer désalinisée, dont l’emprise au sol devrait être de 3 000 hectares. Or, dans la mesure où le procédé est très énergivore, le tout sera alimenté par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques accompagnés de batteries de stockage pour une capacité totale de 1,7 GW. Citons également la présence d’un port industriel afin d’exporter la production.
Deux experts français se sont exprimés sur le sujet dans un article paru dans The Conversation le 22 janvier 2025 dont Fabien Malbet, directeur de recherche CNRS en Astrophysique à l’Université Grenoble Alpes (UGA). Ils ont expliqué comment le projet chilien pourrait compromettre la qualité du ciel et perturber les observations des plus grands télescopes mondiaux.
Parmi les infrastructures concernées, citons le Very Large Telescope (VLT) situé à l’Observatoire du Cerro Paranal dans le désert d’Atacama, à 2 635 mètres d’altitude. Comme bien d’autres dans le monde, ce site bénéficie des nuits les plus claires, car la pollution lumineuse y est très peu présente. Les alentours sont en effet soumis à des règles strictes concernant l’utilisation des feux par les véhicules durant la nuit ou encore la luminosité qui émane des habitations. Par ailleurs, si d’autres raisons font de ce genre de lieu une zone idéale d’implantation pour un télescope, nous ne nous intéresserons ici qu’à la pollution lumineuse.

Pourquoi ce projet est-il si inquiétant ?
Le projet INNA pourrait avoir un impact majeur sur le VLT, mais également sur l’Extremely Large Telescope (ELT), en construction depuis 2022 sur le Cerro Armazones (3 060 m). Or, ces deux sites sont considérés comme étant les plus « purs » du monde en termes d’obscurité. L’implantation du projet industriel leur ferait alors perdre ce statut. Malheureusement, les conséquences pourraient être très préoccupantes pour ces structures puisque certains objets comme les galaxies très éloignées deviendraient complètement invisibles.
La pollution lumineuse du futur site pourrait s’accompagner de certains facteurs amplificateurs. L’activité industrielle, qu’il s’agisse de la phase de construction, puis du brassage des éoliennes durant l’exploitation libéreront d’importantes quantités de poussières et d’aérosols dans l’atmosphère. Or, ces particules diffuseront les lumières artificielles émises depuis le sol.
Consciente du problème, la société AES Andes tente toutefois de se défendre avec plusieurs arguments, principalement relatifs au développement économique de la région. La phase de construction emploiera environ 5 000 personnes et lors du fonctionnement normal du site, 5 à 600 employés seront présents. La société promet l’embauche de 20 % de travailleurs provenant des villes aux alentours. Une question se pose enfin : doit-on accepter de mettre en péril d’importantes recherches concernant l’espace en faveur d’un projet soutenant une économie régionale, même s’il est question d’un projet écologiquement viable ?