Depuis des décennies, l’énergie noire est considérée comme un pilier de la cosmologie moderne. Il s’agit d’une force mystérieuse censée expliquer l’accélération de l’expansion de l’univers. Toutefois, une nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs néo-zélandais propose une explication alternative : le modèle de « paysage temporel ». Et si l’énergie noire n’existait pas ?
L’énergie noire : une énigme cosmique
En 1998, des astronomes ont découvert que l’expansion de l’univers s’accélérait, une observation déroutante. Cette conclusion reposait sur l’étude de la lumière des supernovae lointaines qui semblaient plus éloignées qu’attendu. Pour expliquer ce phénomène, les scientifiques ont proposé l’existence de l’énergie noire, une force mystérieuse agissant comme une anti-gravité et qui représenterait environ 68 % de l’énergie totale de l’univers.
Cependant, malgré son importance théorique, l’énergie noire n’a jamais été directement observée. Elle repose sur des inférences et sur le modèle standard de cosmologie, connu sous le nom de ΛCDM (Lambda-Cold Dark Matter). Ce modèle, bien qu’efficace pour expliquer de nombreux phénomènes, présente des incohérences, notamment la « tension de Hubble » : une divergence entre les taux d’expansion mesurés dans l’univers primitif (via le fond diffus cosmologique) et ceux mesurés localement.
Ces anomalies ont conduit certains chercheurs à remettre en question les fondements mêmes de notre compréhension cosmologique. C’est là qu’intervient le modèle de paysage temporel.
Le modèle de paysage temporel : une alternative radicale
Proposé par une équipe de chercheurs de l’université de Canterbury en Nouvelle-Zélande, le modèle de paysage temporel offre une nouvelle explication à l’accélération cosmique. Contrairement à l’hypothèse dominante de l’énergie noire, cette théorie repose sur un effet bien établi de la relativité générale : la gravité peut ralentir l’écoulement du temps.
Dans ce modèle, l’accélération apparente de l’expansion de l’univers résulterait des différences dans la manière dont le temps s’écoule selon les régions du cosmos. Une horloge située dans un vide cosmique, où la gravité est faible, fonctionnerait plus rapidement qu’une horloge dans une région dense comme une galaxie. Ces variations temporelles induiraient l’illusion d’une accélération globale, alors qu’il s’agirait simplement d’une conséquence des inégalités gravitationnelles à grande échelle.
Ce modèle tire parti d’une compréhension plus fine de l’univers où les structures cosmiques ne sont pas uniformes, mais grumeleuses, c’est-à-dire composées de vides et d’amas influençant l’expansion perçue. Cette perspective remet en question l’hypothèse que l’univers est isotrope et homogène, une simplification souvent utilisée dans le cadre du modèle standard ΛCDM.

Les preuves en faveur du modèle
Pour évaluer la validité de leur hypothèse, les chercheurs ont analysé des données issues d’un catalogue de 1 535 supernovae compilées par l’équipe Pantheon+. Ces supernovae, utilisées comme « chandelles standard » pour mesurer les distances dans l’univers, ont permis de détecter des variations subtiles, mais significatives, dans les courbes de lumière. Ces différences sont cohérentes avec les prévisions du modèle de paysage temporel qui s’ajuste aussi bien, voire mieux, que le modèle ΛCDM.
Une des forces majeures du modèle est sa capacité à résoudre des anomalies telles que la tension de Hubble, une divergence persistante entre les mesures du taux d’expansion dans l’univers primitif et celles effectuées localement. Plutôt que d’attribuer cette tension à des ajustements arbitraires, le modèle de paysage temporel propose une explication naturelle basée sur les variations gravitationnelles locales.
Cependant, ces résultats, bien qu’encourageants, nécessitent encore une validation supplémentaire. Le satellite Euclid et le télescope spatial Nancy Grace Roman, grâce à leurs capacités d’observation avancées, devraient fournir dans les années à venir des données cruciales pour tester cette hypothèse et approfondir notre compréhension de l’expansion cosmique.
Implications et perspectives pour la cosmologie
Si le modèle de paysage temporel s’avère correct, ses implications pour la science seraient profondes. Tout d’abord, cela signifierait que l’énergie noire, concept clé de la cosmologie moderne, n’existe pas. Les chercheurs devront alors revoir les fondations mêmes du modèle standard, ce qui pourrait conduire à une révolution dans notre compréhension de l’univers.
Ensuite, cette découverte remettrait en question notre perception du temps et de l’espace. Le fait que des variations temporelles puissent expliquer des phénomènes cosmologiques majeurs ouvre la voie à de nouvelles théories sur la structure et l’évolution de l’univers.
Enfin, cette hypothèse soulève des questions fondamentales sur la manière dont nous mesurons le cosmos. Si les horloges galactiques et celles des vides cosmiques ne tournent pas au même rythme, alors nos méthodes actuelles de calibration des distances et des vitesses pourraient être biaisées.
Malgré ces défis, cette théorie est également porteuse d’espoir. En résolvant des anomalies comme la tension de Hubble, elle pourrait offrir une vision plus cohérente et complète de l’univers.