Sur le triennat 2021-2023, le Cameroun vise un accroissement significatif des recettes fiscales internes non pétrolières. Cette année, le taux de pression fiscale (hors ressources pétrolières) était de 11,3 % du PIB, selon les chiffres du gouvernement.
La question sur l’imposition dès 2022 d’une taxe sur les tontines anime les discussions au Cameroun. Le débat a été lancé, à la suite d'une interprétation des projets de modification de l’article 93 du Code général des impôts, présent dans le projet de Loi de finances 2022. Elles introduisent un troisième régime d’imposition au Cameroun, à savoir le « régime des organismes à but non lucratif ».
Le projet adopté par le Parlement regroupe dans cette catégorie, « toute entité dotée de la personnalité juridique ou non, publique, privée ou confessionnelle, y compris les fondations, qui n’a pas pour but la recherche de bénéfices aux fins de distribution entre ses membres et dont l’activité n’est pas en concurrence avec celles réalisées par les entités à but lucratif ». Le texte précise que cela concerne, entre autres, « les associations de toute nature, de droit ou de fait, les mutuelles, les clubs et les cercles privés ».
De ce point de vue, on peut effectivement confirmer que le projet de Loi de finances 2022 adopté par le Parlement consacre la possibilité légale pour l’administration fiscale de prélever des taxes auprès des tontines. Ces dernières se définissent comme étant une association de fait ou de droit, de personnes qui mettent ensemble leurs épargnes, soit par anticipation (lorsqu’on touche le dernier), soit a postériori (lorsqu’on touche le premier). Son but est souvent de permettre à chacun des membres de disposer d’un volume de ressources nécessaire à la réalisation d’un projet.
Dans la pratique cependant, les tontines vont au-delà de la simple réallocation gratuite de ressources entre les membres et réalisent toutes sortes de transactions financières, qui vont du prêt d’argent à des placements collectifs. La loi a aussi défini le régime d’imposition de ces tontines. Ainsi, elles ne paient pas de patente, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la propriété foncière. Mais comme les autres entités à but non lucratif, elles seront notamment assujetties aux droits d’enregistrement, à l’impôt sur le revenu issu du placement des capitaux mobiliers et des retenues d’impôts diverses applicables aux contribuables.
Seule la plus-value est ciblée
De nombreuses tontines par exemple exercent des activités de prêts, qui prennent davantage la forme de placement d’argent, et peuvent en tirer des revenus. Cela constitue une plus-value qui est taxable pour toute catégorie de personne. Le texte prévoit aussi que si une entité à but non lucratif (ici une tontine) exerce une activité commerciale rentable, elle paiera 15% d’impôts sur le revenu majoré de 10% de centimes communaux additionnels. Un régime d’imposition qui déroge à celui qui s’appliquerait normalement aux établissements commerciaux.
Les arbitrages du gouvernement ont été de plusieurs ordres, analyse Investir au Cameroun. Sous le label d’être non lucratives, les tontines sont devenues une source de financement alternative et parfois onéreuse. Mais cet argent est parfois prêté pour un taux d’intérêt de 20% et même plus. Ce qui est au-dessus de la moyenne de 17% appliquée par les banques. Les tontines n’ont pourtant pas de grosses charges et réalisent des marges dont l’affectation n’est connue que des membres.
Les personnes opposées aux textes arguent que la tontine représente une épargne sur laquelle des impôts ont déjà été prélevés. Les changements introduits par les modifications du Code général des impôts constitueraient donc de la double imposition. Mais dans l’esprit de la loi, tant que l’épargne reste stockée et ne génère pas de revenus ou de plus-value, elle n’est pas taxable. Mais dès le moment où elle est placée sur une activité ou un actif, les revenus qui en découlent doivent être taxés.
Au final, la taxe présentée comme celle sur les tontines n’est pas une mesure ciblée. Elle touche toutes les entités à but non lucratif, dont les avoirs soit par placement, soit par réévaluation de la valeur, génèrent du revenu supplémentaire. C’est ce revenu supplémentaire qui sera taxable, car la loi le permet désormais.