Une équipe internationale de géoscientifiques, d’archéologues et d’anthropologues a récemment analysé une mâchoire de bébé trouvée dans les hauts plateaux éthiopiens il y a plusieurs décennies. Leurs résultats ont permis d’identifier son espèce avec certitude pour la première fois.
À qui appartient cette mâchoire ?
En 1981, des fouilles menées sur le site de Garba IV, dans les hauts plateaux éthiopiens, avaient permis la découverte d’une mâchoire fossile particulièrement intéressante. La région est connue pour sa richesse en découvertes paléontologiques, notamment des fossiles d’anciens hominidés, ce qui en fait un endroit clé pour l’étude de l’évolution humaine.
Dès la découverte de cet os, baptisé « Little Garba » en référence au site de fouilles, les chercheurs ont entrepris des études approfondies pour déterminer l’espèce à laquelle il appartenait. L’analyse de fossiles de ce genre est néanmoins une tâche particulièrement compliquée qui repose sur plusieurs facteurs, notamment la forme et la taille de la mâchoire, la structure dentaire, la morphologie des os et d’autres caractéristiques anatomiques. Les chercheurs ont également utilisé des méthodes de datation radiométrique pour estimer l’âge de la mâchoire.
Cependant, bien qu’il ait été établi que « Little Garba » appartient au genre Homo qui inclut les humains modernes et nos ancêtres, il n’y avait pas encore de consensus clair concernant l’espèce spécifique, ce qui nous ramène à ces travaux. Pour cette étude, les chercheurs ont en effet fait appel à l’imagerie synchrotron, une technique avancée d’imagerie médicale et scientifique permettant d’obtenir des images détaillées des structures internes d’objets sans les endommager. L’équipe s’est ici concentrée sur les dents, puis elle a comparé ces images avec celles d’autres espèces d’hominidés, notamment les fossiles du genre Homo.

Un bébé Homo Erectus il y a deux millions d’années
Les résultats de cette analyse ont montré que la correspondance la plus proche en termes de morphologie dentaire était avec Homo erectus, une espèce humaine ancienne qui vécut il y a plusieurs centaines de milliers d’années. Pour rappel, cette espèce est considérée comme l’une des premières du genre Homo à avoir quitté l’Afrique et à avoir colonisé d’autres régions du monde.
Par ailleurs, les couches de sédiments dans lesquelles la mâchoire de « Little Garba » a été découverte ont été datées à environ deux millions d’années. Cette datation suggère que le propriétaire de cette mâchoire, qui était un très jeune enfant, vivait à la même époque, ce qui en fait l’un des plus anciens fossiles attribués à l’espèce Homo erectus jamais découverts.
Des capacités d’adaptation
Les chercheurs ont également examiné les outils en pierre retrouvés au même niveau que la mâchoire sur le site de fouille. Ils ont alors observé une transition des outils oldowiens vers les outils acheuléens, considérés comme plus avancés dans la technologie lithique. Des recherches antérieures avaient déjà montré que ces outils acheuléens avaient été développés il y a environ deux millions d’années, ce qui coïncide avec la datation de « Little Garba » à la même époque.
L’évolution des outils lithiques, passant des outils oldowiens aux outils acheuléens, est un élément clé de l’histoire de la technologie humaine préhistorique. Les outils acheuléens étaient plus sophistiqués et efficaces, ce qui suggère une amélioration des compétences et des connaissances techniques des hominidés à cette époque.
Tous ces indices ont conduit les chercheurs à conclure qu’une fois arrivées dans les hauts plateaux, les populations d’Homo erectus ont dû faire face à un double défi. D’une part, elles ont dû s’adapter à l’air plus raréfié en raison de l’altitude élevée de Garba IV, situé à environ 2 000 mètres d’altitude. D’autre part, elles ont dû s’ajuster aux conditions géographiques particulières de la région.
Pour relever ces défis, ces populations ont entrepris des améliorations dans leurs outils et leurs armes. Ces améliorations techniques leur auraient alors permis non seulement de chasser et d’abattre les proies trouvées dans la région, mais aussi de les transformer pour les utiliser comme nourriture. De plus, ces outils auraient servi de ressources pour se réchauffer dans les hautes terres plus fraîches où le climat pouvait être plus difficile à supporter.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Science.