Nous tenons notre anus pour acquis, mais son origine est bien plus surprenante qu’on ne pourrait l’imaginer. Une nouvelle étude pourrait avoir résolu une partie du mystère de l’évolution de cet orifice essentiel à notre organisme. Et contre toute attente, il se pourrait bien que notre anus ait évolué à partir… d’un orifice utilisé pour la libération du sperme.
Une énigme évolutive longtemps débattue
Tous les animaux ne possèdent pas un anus. Certaines créatures marines, comme les méduses, se contentent d’un seul orifice servant à la fois à ingérer la nourriture et à expulser les déchets. Ce système primitif, bien qu’efficace, est loin de la complexité du tube digestif des mammifères, qui dispose d’une bouche et d’un anus distincts.
Si l’évolution de la bouche et du tube digestif est bien documentée, celle de l’anus reste une énigme, qui intrigue les scientifiques depuis plus d’un siècle. D’où vient-il ? A-t-il évolué de manière indépendante ou est-il le résultat d’une transformation d’un orifice déjà existant ?
Une étude récente, publiée sur le serveur bioRxiv, propose une hypothèse surprenante : l’anus des animaux bilatériens – un vaste groupe incluant les vertébrés et la majorité des espèces actuelles – pourrait être issu d’un orifice génital ancestral, utilisé initialement pour l’émission des spermatozoïdes.
Le ver marin qui détient une clé du mystère
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont étudié le Xenoturbella bocki, un ver marin primitif qui possède une seule ouverture faisant office à la fois de bouche et d’anus. Fait intrigant : les mâles de cette espèce possèdent un gonopore, un orifice spécialisé servant à libérer les spermatozoïdes, tandis que les femelles libèrent leurs ovules via la bouche.
En analysant génétiquement ce gonopore, les scientifiques ont trouvé des similitudes frappantes avec l’anus des animaux bilatériens (dont nous faisons partie). Certains gènes impliqués dans le développement du gonopore sont également clés dans la formation de l’intestin postérieur et de l’anus chez les espèces plus évoluées.
Un orifice avec de multiples fonctions
L’hypothèse avancée est que l’anus aurait évolué à partir de ce gonopore, suite à une fusion progressive du système digestif avec cette ouverture. Autrement dit, un orifice initialement conçu pour expulser les spermatozoïdes aurait été réutilisé par l’évolution pour créer un anus fonctionnel.
Comme l’explique Andreas Hejnol, chercheur à l’Université de Bergen en Norvège : « Une fois qu’un trou est là, on peut l’utiliser pour d’autres choses. » Une citation qui résume parfaitement comment l’évolution peut modifier des structures existantes pour leur attribuer de nouvelles fonctions.

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Crédits : Myvector/istockDes doutes persistent
Bien que fascinante, cette théorie n’est pas encore totalement validée. Certains scientifiques suggèrent en effet que Xenoturbella bocki possédait peut-être autrefois un anus qu’il aurait perdu au fil de l’évolution. D’autres hypothèses restent donc sur la table.
Quoi qu’il en soit, ces nouvelles recherches apportent des indices solides sur la manière dont cet orifice a pu apparaître chez les espèces bilatériennes, suggérant qu’il n’a pas toujours eu le rôle que nous lui connaissons aujourd’hui.
En définitive, cette étude nous rappelle que l’évolution procède par bricolage, réutilisant ce qui existe déjà pour l’adapter à de nouveaux usages. Et qui sait, peut-être que notre anus cache encore d’autres secrets sur nos origines évolutives…