En seulement quelques décennies, l’espérance de vie mondiale a considérablement augmenté, passant de 47 ans en 1950 à 73 ans aujourd’hui. Ce progrès est dû à des avancées dans la médecine, l’amélioration des conditions de vie et la réduction de la pauvreté dans de nombreuses régions du monde. Cependant, une question complexe émerge alors que les citoyens des pays développés vivent désormais plus longtemps : prolonger la vie signifie-t-il réellement prolonger la qualité de vie, ou sommes-nous simplement en train de prolonger la souffrance avant la mort ?
Prolonger la vie ou prolonger la souffrance ?
Cette question délicate a été abordée par des chercheurs de l’Institut Karolinska, en Suède, qui ont mené des travaux analysant la manière dont les personnes âgées de 70 ans et plus meurent dans les pays développés. Publiée dans l’American Journal of Public Health, leur étude s’est concentrée sur les 12 derniers mois de vie de ces personnes. Leur objectif était de comprendre si la fin de vie des aînés était rapide et brutale ou, au contraire, prolongée et marquée par des soins médicaux lourds.
Les résultats sont frappants. Deux tiers des décès observés ont été marqués par un recours massif aux soins de santé dans la dernière année de vie, avec des hospitalisations fréquentes dans des établissements spécialisés, souvent dans des états de dépendance. Ces traitements médicaux, bien que parfois nécessaires, visent généralement à prolonger la vie plutôt qu’à améliorer la qualité de celle-ci. Bien que certaines interventions soient vitales, dans de nombreux cas, elles entraînent plus de souffrances que de bénéfices à long terme.
Les chercheurs soulignent que ces morts ne correspondent pas à ce qu’ils appellent une « bonne mort » : celle qui permet de mourir avec dignité, sans souffrance prolongée, dans un environnement choisi.
L’écart entre l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé
Cette observation s’inscrit dans un phénomène inquiétant qui se creuse avec l’allongement de la durée de vie : l’écart entre l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé. En d’autres termes, bien que l’espérance de vie augmente, beaucoup de gens passent une grande partie de leurs dernières années en mauvaise santé, souvent en vivant avec des maladies chroniques ou des handicaps.
Aux États-Unis, cet écart est estimé entre 10 et 15 ans, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Autrement dit, de nombreuses personnes vivent une dizaine d’années de plus, mais dans un état de santé dégradée. En effet, bien que l’espérance de vie globale continue de croître, celle en bonne santé (la durée de vie sans incapacité) n’a pas suivi cette même progression. Ce phénomène touche également d’autres pays développés, comme en Europe et en Amérique du Nord, où de nombreuses personnes vieillissent avec des conditions de santé moins optimales.
Cela soulève des questions cruciales sur la qualité de la vieillesse avant la mort dans un monde où l’on vit plus longtemps. Si l’espérance de vie augmente, il devient essentiel de prolonger non seulement la durée de vie, mais aussi les années de santé.

Prévenir plutôt que guérir
L’étude suédoise nous invite à repenser notre approche du vieillissement en santé. Plutôt que de prolonger la souffrance de manière inefficace, il est essentiel de prévenir les maladies invalidantes dès le plus jeune âge. Manger sainement, faire de l’exercice régulièrement, ne pas fumer, limiter la consommation d’alcool et maintenir des liens sociaux sont des habitudes qui favorisent une meilleure qualité de vie à long terme.