Imaginez des explosions stellaires d’une intensité lumineuse exceptionnelle, mais au moins mille fois moins éblouissantes que les novae classiques. Ces événements, désormais appelés millinovas, viennent d’être découverts de manière fortuite par une équipe d’astronomes qui révèlent au passage un nouveau pan fascinant de l’évolution stellaire.
Qu’est-ce qu’une millinova ?
Une nova classique se produit lorsqu’une naine blanche (un reste d’étoile dense) accapare une grande quantité de matière provenant d’une étoile compagne proche. Lorsque la masse accumulée atteint un seuil critique, une explosion thermonucléaire massive se déclenche, ce qui éjecte alors une grande partie de cette matière dans l’espace et produit une intense luminosité. Les millinovas semblent en revanche suivre un processus moins violent. Au lieu d’accumuler une masse énorme avant de déclencher une explosion dévastatrice, ces systèmes binaires généralement composés d’une naine blanche et d’une étoile sous-géante impliquent un transfert de matière plus modéré. De ce fait, elles se distinguent des novae classiques par plusieurs caractéristiques clés :
D’abord, leur luminosité est bien moindre. En effet, une millinova est environ mille fois moins lumineuse qu’une nova classique, ce qui les rend plus difficiles à observer depuis la Terre. Ensuite, les millinovas sont marquées par des températures extrêmes. Les gaz générés par ces explosions atteignent des températures phénoménales de plus de 600 000 °C, soit trois fois plus chaudes que l’étoile la plus brûlante connue et cent fois plus chaudes que la surface de notre Soleil. Ces températures expliquent leur intense émission de rayons X qui les distingue nettement d’autres types d’explosions stellaires.
Autre particularité : leur caractère récurrent. Contrairement aux novae classiques qui nécessitent de longues périodes pour accumuler suffisamment de matière avant une explosion, certaines peuvent en effet exploser à intervalles réguliers, parfois tous les deux ou trois ans. Ce comportement cyclique est l’un des aspects les plus intrigants de ces événements. Enfin, leur localisation dans les Nuages de Magellan, deux galaxies satellites de la Voie lactée, ajoute un contexte particulier à leur étude. Ces régions riches en étoiles jeunes et en phénomènes dynamiques semblent en effet offrir des conditions idéales pour leur émergence.
Une chance inattendue
C’est en explorant vingt ans de données collectées par l’expérience OGLE (Optical Gravitational Lensing Experiment) que les astronomes ont presque par hasard identifié les premières millinovas. Initialement, l’objectif des chercheurs était de traquer des traces de trous noirs primordiaux, des reliques théoriques du Big Bang, dans le halo de matière noire qui entoure notre galaxie, la Voie lactée.
Au cours de cette recherche, un groupe d’étoiles variables en éruption a attiré leur attention. Ces étoiles présentaient des éclats symétriques et réguliers, un comportement qui ne ressemblait à aucune étoile variable connue jusqu’alors. Parmi elles, 28 objets remarquables ont été identifiés dans les Nuages de Magellan, situés respectivement à environ 160 000 et 200 000 années-lumière de la Terre.
L’un de ces objets, baptisé OGLE-mNOVA-11 et observé pour la première fois fin 2023, a permis une étude approfondie grâce à des observations de suivi réalisées avec le télescope SALT (Southern African Large Telescope) en Afrique du Sud. Ces analyses spectroscopiques ont révélé des signatures d’éléments tels que l’hélium, le carbone et l’azote ionisés, des marqueurs de températures extrêmement élevées qui dépassent les 600 000 °C.
En complément, l’observatoire spatial Neil Gehrels Swift de la NASA a détecté des rayons X mous émanant de ces sources, une caractéristique qui confirme l’origine thermonucléaire des explosions. Ces données renforcent l’idée que bien que mille fois moins lumineuses que les novae classiques, les millinovas sont des manifestations complexes de systèmes binaires qui impliquent des naines blanches et leurs étoiles compagnes.

Une fenêtre sur les supernovae de type Ia
Les scientifiques soupçonnent que les millinovas pourraient jouer un rôle crucial en tant que précurseurs des supernovae de type Ia, des explosions thermonucléaires majeures qui marquent la destruction totale d’une naine blanche. Or, ces dernières sont d’une importance capitale en astronomie, car leur luminosité uniforme en fait des bougies standard idéales pour mesurer les distances cosmiques et étudier l’expansion de l’Univers.
L’hypothèse selon laquelle les millinovas précèdent ces événements cataclysmiques pourrait transformer notre compréhension des systèmes binaires impliquant des naines blanches et leurs étoiles compagnes. En transférant de la matière à la naine blanche, ces explosions augmenteraient progressivement sa masse jusqu’à atteindre une limite critique, le point de non-retour où une explosion thermonucléaire incontrôlée se produit.
Si cette théorie se confirme, les millinovas pourraient devenir des indicateurs précurseurs précieux, signalant qu’une supernova de type Ia est sur le point de se produire. Ces informations permettraient aux astronomes de surveiller en temps réel les systèmes binaires concernés et offrir un aperçu unique sur les mécanismes physiques et temporels conduisant à ces explosions stellaires titanesques. Ainsi, l’étude de ces phénomènes pourrait non seulement enrichir notre compréhension des supernovae, mais aussi ouvrir la voie à de nouvelles méthodes pour explorer l’évolution de l’Univers.