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Un trou noir semble consommer de la matière à plus de 40 fois sa limite théorique

Un trou noir semble consommer de la matière à plus de 40 fois sa limite théorique

  • vendredi 8 novembre 2024
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Les trous noirs supermassifs intriguent les astronomes depuis des décennies. On sait qu’ils occupent le cœur de la plupart des galaxies, dont la nôtre, la Voie lactée, et qu’ils peuvent atteindre des masses plusieurs milliards de fois celle de notre Soleil. Néanmoins, la rapidité de leur croissance, observée même dans les premiers âges de l’Univers, reste un mystère. La découverte récente d’un trou noir, surnommé LID-568, repousse une fois de plus les limites de notre compréhension de ces objets cosmiques.


Comprendre la limite d’Eddington : le rôle de la pression lumineuse sur le trou noir

Lorsqu’un trou noir attire de la matière environnante, cette dernière ne disparaît pas immédiatement. Au lieu de cela, elle s’accumule autour de lui et forme un disque d’accrétion. Ce disque se compose principalement de gaz et de poussière chauffés à des températures extrêmes. En tournant à très grande vitesse, ces matériaux génèrent alors une énergie colossale qui se libère sous forme de lumière visible, d’ultraviolets et même de rayons X, ce qui rend le disque d’accrétion extraordinairement lumineux.

Cette libération d’énergie crée alors une pression extérieure, connue sous le nom de pression de radiation ou pression lumineuse. Cette dernière agit contre la gravité du trou noir qui cherche à attirer la matière vers lui. C’est là qu’intervient la limite d’Eddington, une sorte de point de rupture de l’équilibre. Cette limite détermine la luminosité maximale que le trou noir peut atteindre sans que la pression lumineuse n’annule complètement l’attraction gravitationnelle du trou noir. En d’autres termes, lorsque la luminosité produite par le disque d’accrétion atteint ou dépasse cette limite, la pression lumineuse est suffisamment forte pour repousser la matière autour du trou noir.

Un équilibre complexe

La limite d’Eddington ne signifie pas seulement une restriction sur la quantité de lumière émise. Elle impose également un rythme maximal d’absorption de matière par le trou noir. En effet, si la lumière émise devient trop intense, elle empêche l’objet de continuer à « se nourrir » en repoussant le gaz et la poussière qui voudraient y pénétrer. Cet équilibre entre gravité et pression lumineuse agit ainsi comme un frein naturel à la croissance du trou noir, ce qui empêche son disque d’accrétion de devenir trop dense et d’entraîner des fluctuations violentes ou instables dans son environnement.


Ainsi, lorsqu’un trou noir émet de l’énergie au-delà de la limite d’Eddington, il ne peut plus croître de manière stable. La matière environnante est en partie repoussée et la vitesse d’absorption diminue. Dans les théories actuelles, cette limite rend difficile la croissance rapide d’un trou noir qui ne peut se nourrir au-delà d’une certaine intensité sans repousser la matière qui l’entoure, d’où la surprise des chercheurs suite à la découverte de ce nouvel objet.

trou noir
Illustration d’un trou noir qui se nourrit rapidement et émet de puissants flux de gaz. Crédits : NOIRLab/NSF/AURA/J. da Silva/M. Zamani

Un trou noir qui ne respecte pas les règle : LID-568

Identifié par une équipe d’astronomes dirigée par Hyewon Suh de l’Observatoire international Gemini grâce au télescope spatial James Webb (JWST), LID-568 évolue dans une galaxie située à environ 1,5 milliard d’années après le Big Bang. Or, ce trou noir semble étonnamment contourner la limite d’Eddington. Il absorbe en effet la matière environnante à un rythme quarante fois supérieur à ce que cette ligne rouge autoriserait normalement. Cette absorption intense produit alors une luminosité extrêmement élevée.

Observer un trou noir aussi distant a été rendu possible grâce à la technologie de pointe du télescope James Webb et plus spécifiquement à son spectrographe de champ intégral NIRSpec. Ce dernier a permis à l’équipe d’obtenir des spectres (des sortes d’empreintes chimiques et énergétiques) de chaque pixel du champ de vision. Ce processus, plus précis qu’une spectroscopie classique, a révélé l’intense émission de rayons X émanant de LID-568.


En analysant ces données, les chercheurs ont pu déduire la présence de puissants écoulements de gaz autour du trou noir, signes d’une activité d’accrétion rapide et d’un environnement dynamique. Cette observation, non prévue à l’origine, a permis d’élargir la compréhension des mécanismes par lesquels les trous noirs peuvent absorber de la matière à des vitesses extrêmes.

L’existence de cet objet montre ainsi qu’il est possible pour des trous noirs de se nourrir beaucoup plus rapidement qu’on ne le pensait, défiant ainsi les théories établies sur leurs mécanismes de croissance dans l’Univers primitif. Les astronomes soupçonnent que des écoulements de gaz puissants autour de LID-568 pourraient jouer le rôle de soupape de sécurité. En dissipant une partie de l’énergie dégagée par cette absorption frénétique, ces écoulements permettraient au trou noir de continuer à croître sans devenir instable.

Pourquoi cette découverte est-elle importante ?

Les astrophysiciens se demandent depuis longtemps comment les trous noirs ont pu croître si vite dans l’Univers primitif. Pour comprendre cette croissance rapide, il faut connaître les origines de ces trous noirs supermassifs. Deux théories principales s’affrontent à ce sujet :

  1. Certains trous noirs pourraient provenir de la mort des premières étoiles (des graines légères).
  2. D’autres pourraient se former par effondrement direct de gigantesques nuages de gaz (des graines lourdes).

Cependant, aucune de ces théories n’a été confirmée par l’observation. La découverte de LID-568 est ainsi cruciale, car elle démontre qu’un trou noir peut croître très rapidement, que ce soit à partir d’une graine légère ou massive. Cette observation unique ouvre donc une nouvelle voie de compréhension pour les astronomes.

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