Une étoile binaire, découverte dans l’ombre du trou noir supermassif au centre de notre galaxie, bouleverse nos connaissances sur la survie des étoiles dans des environnements extrêmes.
Un voisinage extrême : le trou noir Sagittarius A*
Au cœur de la Voie lactée se cache un monstre cosmique : Sagittarius A*, un trou noir supermassif de quatre millions de fois la masse du Soleil. Cet objet exerce une attraction gravitationnelle si intense qu’il déforme l’espace et le temps, capturant tout ce qui s’en approche de trop près. Malgré sa nature invisible, sa présence est trahie par l’activité effervescente de son entourage.
Autour de Sagittarius A*, un tourbillon de matière s’anime en effet dans une danse frénétique. Des étoiles, des nuages de gaz et de poussière se meuvent à des vitesses vertigineuses sous l’effet de la puissante gravité de ce géant. Cet environnement extrême, marqué par des émissions énergétiques intenses et des conditions hostiles, a longtemps été considéré comme incompatible avec la formation ou la survie des systèmes stellaires complexes.
Plus récemment, des astronomes ont pourtant fait une découverte inattendue : un système étoile binaire baptisé D9 situé à proximité immédiate du trou noir. Cette première mondiale bouleverse nos hypothèses sur la dynamique et la résilience des étoiles dans des conditions si extrêmes.
La découverte de D9 : une première dans un environnement hostile
Les étoiles binaires sont des systèmes où deux étoiles gravitent l’une autour de l’autre. Bien qu’elles soient courantes dans l’univers, leur présence près d’un trou noir supermassif est une véritable anomalie. Jusqu’à présent, on pensait en effet que les forces gravitationnelles extrêmes rendraient de tels systèmes trop instables pour exister.
C’est grâce au Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) que l’équipe internationale de chercheurs a réussi à détecter D9. Les instruments ERIS et SINFONI ont permis d’observer des variations récurrentes de la vitesse de l’étoile. Ces observations qui se sont étalées sur quinze ans ont confirmé la nature binaire du système.
D9 montre également des signes de formation récente estimés à environ 2,7 millions d’années. Des gaz et de la poussière entourant les deux étoiles suggèrent également qu’elles se sont formées à proximité immédiate du trou noir. Cependant, les chercheurs estiment qu’elle ne survivra pas longtemps dans cet environnement extrême : d’ici un million d’années, la gravité intense de Sagittarius A* devrait provoquer la fusion des deux étoiles en une seule.
Par ailleurs, cette découverte pourrait éclairer le mystère des objets G, des éléments présents dans le voisinage de Sagittarius A*. Ces objets, qui ressemblent à des nuages de gaz, mais se comportent parfois comme des étoiles, pourraient être des systèmes binaires en fusion ou des résidus de systèmes fusionnés.

Des questions encore sans réponse
Si la découverte de D9 est révolutionnaire, elle soulève aussi de nombreuses questions. Comment un système binaire a-t-il pu se former si près d’un trou noir supermassif ? Quels processus physiques permettent à ces étoiles de rester stables, même temporairement, dans un environnement aussi chaotique ?
Une autre question fascinante concerne la possible présence de planètes. Les jeunes étoiles, comme celles de D9, sont en effet souvent entourées de disques de gaz et de poussière favorables à la formation de planètes. Si D9 possède un tel disque, cela pourrait indiquer que des planètes existent également près de Sagittarius A*, un résultat qui changerait complètement notre vision des choses sur ce sujet.
Pour répondre à ces questions, les scientifiques comptent sur des instruments encore plus puissants. La mise à niveau GRAVITY+ de l’interféromètre du VLT et l’instrument METIS du futur Extremely Large Telescope (ELT) au Chili permettront des observations plus précises et détaillées du centre galactique.
Ces technologies ouvriront la voie à de nouvelles découvertes, qu’il s’agisse d’étoiles binaires, de planètes ou d’autres phénomènes encore inconnus. Comme l’explique Florian Peißker, l’un des chercheurs à l’origine de la découverte, « la détection de planètes dans le centre galactique ne semble être qu’une question de temps ».