(Agence Ecofin) - Les métaux « verts » du sous-sol africain attirent les entreprises basées en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis. Par manque d’usines de transformation, les pays producteurs du continent exportent la matière première et sont donc exclus d’une partie importante de la chaine de valeur.
L’australien Black Rock Mining a annoncé le 9 septembre la conclusion d’un accord-cadre entre sa filiale tanzanienne Faru Graphite Corp. et l’entreprise américaine Urbix Inc. Spécialisée dans la production de matériaux d’anode pour batteries lithium-ion, cette dernière cherche à obtenir un approvisionnement en graphite naturel provenant de la future mine Mahenge en Tanzanie.
Selon les termes de l’accord, Urbix devra financer en partie la mise en œuvre du Module 2 de Mahenge, afin d’en acheter la production par la suite. Ce soutien passera par l’entrée au capital de l’entreprise ou un prépaiement pour les futurs achats et aidera Black Rock à développer simultanément les Modules 1 et 2.
Pour rappel, le plan de développement en phases de la mine prévoit la construction successive de quatre modules capables de livrer chacun, à plein régime, 85 000 tonnes de graphite. Black Rock a bouclé il y a plus d’un an un accord plus ou moins similaire avec le sud-coréen POSCO pour lancer le Module 1.
Selon l’étude de faisabilité en juillet 2019, la construction de la mine Mahenge nécessite un investissement total de 337,4 millions de dollars dont 116 millions $ et 69,5 millions $ respectivement pour le Module 1 et le Module 2.
Quid de la transformation locale
La conclusion définitive du partenariat entre Urbix et Black Rock Mining est soumise à la satisfaction de certaines conditions, sous 200 jours environ. Si la transaction est bouclée, le graphite tanzanien arrivera sur l’un des plus grands marchés mondiaux pour ce produit.
Pour rattraper son retard sur la Chine, Washington soutient actuellement la montée en puissance d’une industrie de batteries électriques qui devrait consommer annuellement 2,5 milliards $ de matériaux d’anodes d’ici 2025. Comme l’illustre l’accord entre POSCO et Black Rock, la Corée du Sud cherche aussi à jouer les premiers rôles sur ce marché en pleine explosion.
Pendant ce temps, la Tanzanie (et d’autres pays africains comme le Mozambique ou Madagascar), dont le graphite constitue la matière première pour ces usines installées en Chine, aux Etats-Unis, en Corée du Sud ou au Japon, ne devrait jouer qu’un rôle marginal dans la chaine de valeur. Le pays bénéficie certes d’une participation gratuite de 16% dans Faru Graphite, propriétaire de la mine, ainsi que d’une redevance minière sur les revenus et d’autres taxes, mais ces retombées financières sont sans commune mesure avec les bénéfices en jeu.
Le gouvernement tanzanien serait donc bien inspiré de pousser Black Rock et les autres compagnies exploitant le graphite dans le pays, à développer localement quelques usines pour produire les matériaux directement utilisés par les fabricants de batteries électriques. Ce qui nécessite notamment d’investir dans la disponibilité et la fiabilité de l’énergie, et dans le renforcement des compétences locales.
Emiliano Tossou
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