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Près de 200 millions de souris de laboratoire sont sacrifiées chaque année. Existe-t-il une meilleure solution ?

Près de 200 millions de souris de laboratoire sont sacrifiées chaque année. Existe-t-il une meilleure solution ?

  • jeudi 20 mars 2025
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Chaque année, environ 192 millions de souris sont utilisées dans les laboratoires du monde entier pour la recherche scientifique. Ces petits rongeurs servent à tester des médicaments, à étudier des maladies et à mieux comprendre les mécanismes biologiques qui régissent la vie. Toutefois, derrière ces avancées médicales se cache une réalité troublante : des millions d’animaux sont soumis à des expériences stressantes et douloureuses avant d’être sacrifiés. La question se pose alors : existe-t-il une alternative à cette hécatombe silencieuse ? Peut-on concilier progrès scientifique et respect du bien-être animal ?


Des souris avec des conditions de vie éprouvantes

Si les souris sont si largement utilisées en laboratoire, c’est parce qu’elles présentent plusieurs avantages pour les chercheurs. Elles sont petites, faciles à élever et se reproduisent rapidement. Leur génome est aussi très proche de celui des humains (environ 92 % des gènes sont similaires), ce qui en fait des modèles utiles pour étudier certaines maladies.

Toutefois, elles n’ont rien d’animaux domestiques choyés. Leur vie est en effet marquée par le stress, la douleur et des traitements invasifs. Pour mieux comprendre les effets de l’anxiété et du stress chronique sur l’organisme, les chercheurs soumettent en effet les souris de laboratoire à des expériences particulièrement éprouvantes. Parmi les méthodes courantes, on trouve :

  • L’immobilisation forcée : la souris est attachée pendant plusieurs heures, sans possibilité de bouger.
  • La contention : elle est placée dans un tube étroit qui l’empêche de se retourner ou d’adopter une posture confortable.
  • La privation de nourriture et d’eau, utilisée pour étudier les effets de la faim et de la soif sur le cerveau et le métabolisme.

Ces traitements provoquent une forte détresse psychologique et physique comme l’a décrit le psychologue Richard McCarty dans une étude sur les effets du stress chez les rongeurs. À la fin des sessions d’immobilisation, les souris sont épuisées et parfois traumatisées.


Un sacrifice massif et controversé

La vie des souris de laboratoire est déjà difficile, mais leur fin l’est souvent encore plus. Une fois les expériences terminées, ces animaux sont systématiquement sacrifiés, une pratique considérée comme un « mal nécessaire » pour éviter toute souffrance prolongée et récupérer des échantillons biologiques. Les méthodes utilisées pour les euthanasier varient selon les laboratoires et les réglementations en vigueur. Parmi les plus courantes, on retrouve :

  • L’exposition au dioxyde de carbone (CO₂) : les souris sont placées dans une chambre où le gaz est progressivement injecté, ce qui entraîne une mort par suffocation. Cette méthode est largement critiquée, car elle provoque une sensation d’essoufflement et une forte panique avant la perte de conscience.
  • La décapitation : souvent réalisée avec de petites guillotines, elle est censée entraîner une mort rapide. Néanmoins, certaines études montrent que les souris restent conscientes plusieurs secondes après la décapitation.
  • La luxation cervicale : il s’agit de briser la nuque de l’animal d’un geste sec. Là encore, des doutes persistent sur l’instantanéité de la mort.

Toutes ces méthodes, bien que réglementées, ne sont finalement pas exemptes de souffrances. Alors, peut-on vraiment parler d’une « mort humaine » dans ces conditions ?

souris cancer sein
Crédits : unoL/iStock

Des alternatives crédibles existent-elles aux souris de laboratoire ?

Face à cette réalité, de nombreux chercheurs s’efforcent de réduire l’utilisation des souris en laboratoire, voire de les remplacer totalement. L’une des alternatives les plus prometteuses repose sur les cultures de cellules humaines. Plutôt que de tester des substances sur des organismes vivants, les scientifiques utilisent des cellules cultivées en laboratoire pour observer leur réaction aux médicaments ou aux maladies.


Les organoïdes vont encore plus loin. Ces mini-organes cultivés à partir de cellules souches humaines imitent le fonctionnement des organes réels. Par exemple, des chercheurs recréent des mini-cerveaux pour étudier la maladie d’Alzheimer sans avoir recours aux souris.

Une autre avancée technologique fascinante est celle des organes sur puce. Ces dispositifs miniatures reproduisent les conditions d’un organe vivant en utilisant de vrais tissus humains. On peut ainsi tester l’effet d’un médicament sur un foie artificiel avant même de le tester sur un être humain.

Ces innovations offrent des résultats plus précis que les tests sur les souris, car elles se basent directement sur des cellules humaines, évitant ainsi les différences biologiques entre les espèces.


Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, il devient aussi possible de simuler les effets d’un médicament sur un organisme entier. En utilisant des bases de données massives et des algorithmes avancés, les chercheurs peuvent prédire l’efficacité et la toxicité d’une molécule sans avoir à la tester sur des animaux.

Les tests in silico (des tests numériques) se développent par ailleurs rapidement et permettent déjà de remplacer certains tests toxiques réalisés sur les souris.

Pourquoi ces alternatives ne sont-elles pas encore généralisées ?

Malgré ces avancées, les souris de laboratoire restent omniprésentes. Mais alors, pourquoi est-il si difficile de s’en passer ? D’abord, il y a la force des habitudes. Depuis des décennies, les modèles animaux sont considérés comme la référence en matière de recherche biomédicale. Les scientifiques ont bâti des protocoles standardisés basés sur ces expériences et remettre en question ce modèle nécessite un changement profond des pratiques, ce qui demande du temps, des formations et une refonte des méthodologies utilisées.

Ensuite, le cadre réglementaire a longtemps freiné l’évolution vers des méthodes alternatives. Jusqu’en 2022, la FDA (l’Agence américaine des médicaments) imposait notamment que tout nouveau médicament soit testé sur des animaux avant d’être approuvé pour des essais cliniques chez l’Homme. Même si cette obligation a été levée, les alternatives doivent encore prouver leur fiabilité pour être largement adoptées, ce qui prend du temps.

Enfin, les coûts constituent un frein majeur. Développer et mettre en place des alternatives comme les organes sur puce ou les tests in silico exige des investissements considérables en recherche, en infrastructures et en équipements spécialisés. Les laboratoires doivent donc peser le coût de cette transition, ce qui explique la lente adoption de ces nouvelles méthodes.

Malgré ces obstacles, la tendance commence à évoluer. En 2023, les National Institutes of Health (NIH) ont investi aux États-Unis 300 millions de dollars pour soutenir le développement de méthodes alternatives à l’expérimentation animale. De plus en plus d’entreprises pharmaceutiques s’intéressent à ces technologies, et intègrent progressivement des tests in vitro et des simulations informatiques dans leurs processus de recherche. Ces avancées marquent un tournant vers une science plus éthique et plus moderne.

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