Depuis des décennies, les scientifiques tentent de répondre à l’une des plus grandes énigmes de l’univers : pourquoi existons-nous ? Selon les lois de la physique, la matière et l’antimatière auraient en effet dû s’annihiler peu après le Big Bang, laissant derrière elles un cosmos vide. Pourtant, nous sommes là, entourés de galaxies, d’étoiles et de planètes. Une récente découverte au Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN pourrait bien nous apporter un nouvel indice crucial pour comprendre ce mystère.
Le problème de la matière et de l’antimatière
D’après le modèle standard de la physique des particules, à la naissance de l’univers, matière et antimatière étaient créées en quantités égales. Or, lorsque ces deux entités opposées se rencontrent, elles s’annihilent dans un éclair d’énergie pure. Si tout s’était passé comme prévu, il ne devrait donc rien rester aujourd’hui. Pourtant, notre monde est fait quasi exclusivement de matière.
Ce déséquilibre fondamental est l’une des plus grandes énigmes de la cosmologie. Pour l’expliquer, les physiciens soupçonnent depuis longtemps l’existence d’une asymétrie dans le comportement de la matière et de l’antimatière, un phénomène appelé « violation de charge-parité » (ou violation de CP).
Jusqu’ici, cette violation de CP avait été observée uniquement dans certaines particules appelées mésons (constituées de paires quark-antiquark). Mais elle était insuffisante pour expliquer la domination de la matière dans l’univers. Il manquait une pièce au puzzle.
Une première : la violation de CP détectée dans des baryons
C’est là qu’intervient la récente découverte des chercheurs du CERN. Pour la première fois, ces derniers ont mis en évidence une violation de CP dans des baryons, des particules formées de trois quarks, comme les protons et les neutrons qui constituent la matière visible de notre univers.
Cette percée a été réalisée en étudiant un baryon particulier, le baryon beauté-lambda, et son équivalent en antimatière. En analysant plus de 80 000 désintégrations de ces particules, les chercheurs ont constaté une différence dans leur comportement : une légère asymétrie dans la manière dont elles se désintègrent. Cette découverte, mesurée avec une très grande précision, constitue une preuve solide que la violation de CP existe aussi dans le monde des baryons.

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Collision de particules dans le collisionneur de hadrons. Crédits : vchal/istockPourquoi est-ce une avancée majeure ?
Jusqu’à présent, la violation de CP observée dans les mésons ne suffisait pas à expliquer l’existence de notre univers. Le fait qu’elle se manifeste aussi dans les baryons ouvre une nouvelle voie pour comprendre pourquoi la matière a pris le dessus sur l’antimatière.
En effet, les baryons jouent un rôle fondamental dans la structure de l’univers. Si leur comportement diffère de celui de leurs antiparticules, cela pourrait être un facteur clé expliquant pourquoi, après le Big Bang, un léger excès de matière a survécu à l’annihilation avec l’antimatière. Cet excédent minuscule serait ensuite devenu l’univers que nous connaissons aujourd’hui.
Et maintenant ?
Cette découverte, publiée sur le serveur de prépublication arXiv, marque une avancée importante, mais elle ne fournit pas encore une réponse définitive. Les scientifiques vont poursuivre leurs recherches au LHC, avec encore plus de données et de précisions, notamment lors des prochaines expériences prévues après 2030. L’objectif est d’étudier d’autres baryons et de voir si cette asymétrie est une règle générale ou une exception.
Si ces nouvelles recherches confirment que la violation de CP est plus répandue qu’on ne le pensait, cela pourrait être le signe d’une physique au-delà du modèle standard, ouvrant la porte à de nouvelles théories sur l’origine de l’univers.