L’industrie aéronautique évolue pour devenir plus verte. Du développement de nouveaux matériaux aux carburants alternatifs, des progrès sont réalisés pour réduire l’empreinte carbone des avions. Pourtant, un facteur encore méconnu contribue de façon significative au réchauffement climatique : les traînées de condensation, ces longs nuages blancs que l’on voit parfois se former derrière les avions dans le ciel. Alors que les avions gagnent en efficacité, ces traînées demeurent un défi pour une aviation plus durable.
Que sont les traînées de condensation et pourquoi posent-elles problème ?
Les moteurs d’avion brûlent du carburant, ce qui libère un mélange de gaz, notamment du dioxyde de carbone (CO₂), de l’eau (sous forme de vapeur) et de minuscules particules de suie, dans l’atmosphère. La vapeur d’eau est un sous-produit naturel de la combustion des hydrocarbures présents dans le carburant.
Les avions de ligne qui volent à haute altitude (environ 8 000 mètres) traversent une couche de l’atmosphère où les températures sont très basses, souvent autour de -40 °C à -60 °C. Lorsqu’ils sortent des moteurs, les gaz d’échappement sont très chauds et contiennent de grandes quantités de vapeur d’eau. En entrant en contact avec l’air ambiant très froid, cette vapeur refroidit alors rapidement. L’air froid peut contenir beaucoup moins de vapeur d’eau que l’air chaud. Ainsi, en se refroidissant, l’air atteint un point de saturation où il ne peut plus contenir toute cette vapeur.
Au point de saturation, la vapeur d’eau présente dans les gaz d’échappement se condense. Toutefois, pour former de la condensation, elle a besoin de surfaces sur lesquelles s’accrocher. C’est là que les particules de suie jouent un rôle essentiel : elles agissent en effet comme des noyaux de condensation. La vapeur d’eau se condense autour de ces particules, formant de minuscules gouttes d’eau qui se transforment en cristaux de glace sous des températures si basses. Ces cristaux de glace forment alors une traînée visible, un peu comme un mince nuage blanc derrière l’avion. Elle peut se disperser rapidement ou au contraire s’étendre en un large nuage sous certaines conditions.
Le problème de ces nuages est qu’ils agissent un peu comme une couverture thermique qui empêche la chaleur terrestre de s’échapper vers l’espace. Certains experts estiment en effet que l’effet de réchauffement des traînées de condensation pourrait représenter plus de la moitié de l’impact climatique total de l’aviation. Ce phénomène fait donc l’objet de nombreuses recherches pour mieux comprendre comment il se produit et comment le limiter.

Le rôle des particules de suie et des particules volatiles
Comment dit précédemment, la formation de ces traînées ne dépend pas uniquement de la vapeur d’eau, mais aussi des particules solides et liquides présentes dans les gaz d’échappement, comme les particules de suie. Or, les recherches se concentrent justement aujourd’hui sur des carburants alternatifs capables de réduire ces émissions de suie. Néanmoins, avec ces carburants plus propres, un autre type de particules pourrait entrer en jeu : les particules dites volatiles qui se forment dans le panache d’échappement après l’émission. Plus fines, elles pourraient aussi favoriser la formation des traînées, même si leur impact n’a pas encore été entièrement compris.
Pour approfondir cette question, une équipe du Centre de recherche en sciences atmosphériques de l’Université d’Albanya a récemment collaboré avec la NASA et le Centre aérospatial allemand. Grâce aux données recueillies lors des campagnes de terrain ECLIF (Emission and CLimate Impact of alternative Fuels), les chercheurs ont simulé différents types de vols pour observer comment ces particules influencent les traînées de condensation.
Contrairement aux idées reçues, les particules volatiles semblent effectivement jouer un rôle dans la formation des traînées même lorsque les émissions de suie ne sont pas entièrement éliminées. Ainsi, en réduisant les émissions de suie sans tenir compte des particules volatiles, l’impact climatique des traînées de condensation pourrait rester important. Ces découvertes montrent que pour une aviation vraiment durable, il est essentiel de mieux comprendre tous les types de particules présents dans les gaz d’échappement des avions.
Vers une aviation plus durable : quelles solutions ?
Face à ces enjeux, plusieurs solutions se dessinent. Tout d’abord, la recherche continue sur les carburants alternatifs pourrait réduire davantage les émissions de suie. Ensuite, les nouvelles technologies de moteurs, plus efficaces, pourraient diminuer la quantité de particules volatiles émise. Enfin, certains chercheurs envisagent des approches innovantes pour éviter les conditions atmosphériques favorables aux traînées en ajustant les trajectoires de vol ou les altitudes.
Ces nouveaux travaux marquent une avancée dans cette quête de durabilité. Ils apportent des données concrètes pour aider l’industrie aéronautique à prendre en compte les impacts environnementaux des particules au-delà des seules émissions de gaz à effet de serre. Ces recherches permettront à terme de développer des méthodes pour réduire non seulement les émissions directes de CO₂, mais aussi les effets indirects du transport aérien sur le climat.