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Lucy aurait vécu aux côtés d’au moins quatre autres espèces proto-humaines

Lucy aurait vécu aux côtés d’au moins quatre autres espèces proto-humaines

  • vendredi 22 novembre 2024
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Il y a environ 3,2 millions d’années, Lucy, notre célèbre ancêtre Australopithecus afarensis, arpentait ce qui est aujourd’hui l’Éthiopie. Depuis la découverte de son squelette en 1974, par Donald Johanson et son équipe, elle est devenue un symbole incontournable de la paléoanthropologie. Toutefois, Lucy n’était pas seule. Des découvertes récentes révèlent en effet qu’au moins quatre autres espèces proto-humaines partageaient son époque. Qui étaient-elles, et ont-elles interagi avec Lucy et ses semblables ?


Une coexistence inattendue dans un continent en mutation

Pendant près d’un million d’années, Australopithecus afarensis a prospéré en Afrique de l’Est et couvert une vaste étendue de 2 350 kilomètres, du nord de la Tanzanie au centre-nord de l’Éthiopie. Bien adaptés à divers habitats, ces hominidés combinaient marche bipède et vie arboricole.

Longtemps, les chercheurs pensaient qu’A. afarensis était la seule espèce hominidée dans cette région pendant le Pliocène moyen (3 à 4 millions d’années). Cependant, la découverte en 1995 d’un fragment de mâchoire au Tchad, attribué à Australopithecus bahrelghazali, a bouleversé cette certitude. Vieux de 3,5 millions d’années, ce fossile, trouvé à plus de 2 400 kilomètres des sites d’A. afarensis, prouve qu’au moins une autre espèce humaine archaïque vivait en Afrique à la même époque. Bien que leur distance géographique ait pu empêcher toute interaction directe, cette découverte a ouvert la voie à l’identification d’autres hominidés contemporains de Lucy.

Un voisinage diversifié autour de Lucy

En Éthiopie, à seulement 48 kilomètres du site où Lucy fut découverte, une équipe dirigée par Yohannes Haile-Selassie a mis au jour des fossiles distincts d’A. afarensis attribués à une nouvelle espèce : Australopithecus deyiremeda. Datés d’il y a 3,5 à 3,3 millions d’années, ces fossiles se distinguent par des dents robustes qui suggèrent un régime alimentaire différent de celui de Lucy. Cette divergence alimentaire pourrait refléter une spécialisation écologique, évitant la compétition directe entre les deux espèces.


Sur le même site de Woranso-Mille, les chercheurs ont également découvert un fossile partiel connu sous le nom de pied de Burtele. Daté de 3,4 à 3,3 millions d’années, ce pied possède un gros orteil opposable, une adaptation idéale pour grimper aux arbres. Bien que cet individu ne soit pas lié à A. afarensis, il n’a pas encore été attribué à une espèce précise, ce qui ajoute une énigme supplémentaire à la diversité des hominidés du Pliocène moyen.

Lucy
Le pied de Burtele découvert sur le site de Woranso-Mille en Éthiopie provient d’une espèce d’hominidé inconnue. Crédits : Musée d’histoire naturelle de Cleveland, Yohannes Haile-Selassie

Kenyanthropus platyops : un hominidé à visage plat

En 1999, sur les rives du lac Turkana au Kenya, Meave Leakey et son équipe ont découvert les fossiles de Kenyanthropus platyops. Daté d’il y a 3,3 à 3,2 millions d’années, cet hominidé présentait un crâne plat et des dents différentes de celles de Lucy. Certains chercheurs pensent qu’il pourrait être une variante régionale d’A. afarensis tandis que d’autres soutiennent qu’il s’agit d’un genre distinct.

Le mode de vie de K. platyops était similaire à celui de Lucy : ils vivaient dans un environnement de savane herbeuse près des lacs où ils cherchaient probablement à échapper aux mêmes prédateurs. Cette proximité écologique soulève des questions sur la manière dont ces espèces coexistaient et occupaient des niches différentes dans des paysages similaires.


Des interactions ou un isolement ?

La question de savoir si Lucy et ses contemporains se sont rencontrés ou même croisés génétiquement reste un mystère. Les preuves actuelles montrent que les hominidés vivaient en groupes sociaux similaires à ceux des primates modernes. Une célèbre trace d’empreintes à Laetoli, en Tanzanie, montre trois australopithèques marchant côte à côte, ce qui confirme leur sociabilité.

Cependant, les paléoanthropologues n’ont pas encore trouvé de fossiles qui suggèrent des hybridations entre espèces. Rebecca Ackermann, anthropologue biologique, explique que des variations dentaires chez A. afarensis pourraient être compatibles avec une hybridation, mais les fossiles sont trop anciens pour contenir de l’ADN utilisable. L’étude des protéines anciennes, comme celles de l’émail dentaire, pourrait un jour offrir des indices sur d’éventuels métissages.

Lucy
Arbre généalogique des hominidés montrant les relations entre les espèces éteintes. Crédits : Encyclopédie Britannica

Un monde encore en grande partie inconnu

Malgré des décennies de recherche et des centaines de fossiles découverts, le monde de Lucy reste en grande partie mystérieux. Nous savons désormais qu’elle partageait son époque avec d’autres hominidés : A. bahrelghazali, A. deyiremeda, le porteur du pied de Burtele et K. platyops. Toutefois, la nature de leurs interactions, leur compétition pour les ressources et leur rôle dans l’évolution humaine sont encore loin d’être pleinement compris.


Comme le souligne Jeremy DeSilva, anthropologue biologique, ces découvertes ouvrent de nouvelles questions cruciales : « La manière dont ces hominidés étaient liés les uns aux autres, la manière dont ils interagissaient, la manière dont ils remplissaient les niches du paysage et le degré de métissage qui a pu se produire sont des questions ouvertes et importantes. »

L’histoire de Lucy et de ses voisins nous rappelle que l’évolution humaine est un récit complexe, marqué par la coexistence, l’adaptation et parfois la disparition. Chaque nouveau fossile découvert ajoute une pièce au puzzle qui nous rapproche un peu plus de la compréhension de nos origines.

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