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L’origine évolutive étonnante de l’oreille externe des mammifères

L’origine évolutive étonnante de l’oreille externe des mammifères

  • jeudi 9 janvier 2025
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L’oreille externe, cette spirale de cartilage si caractéristique des mammifères, est un organe clé pour l’audition. Pourtant, son origine évolutive restait jusqu’ici un mystère. Une nouvelle étude éclaire toutefois cette question en reliant l’oreille externe aux branchies des poissons, dévoilant au passage une histoire fascinante d’évolution. Ce travail révèle comment une structure ancestrale a été transformée au fil du temps pour remplir des fonctions totalement nouvelles.


Une énigme scientifique de longue date

Les biologistes savent depuis longtemps que l’oreille moyenne des mammifères provient des mâchoires des poissons. Ce lien a en effet été établi grâce à l’étude comparative des ossements fossilisés et du développement embryonnaire. Chez les poissons primitifs, certaines structures osseuses de la mâchoire, utilisées pour se nourrir, ont progressivement évolué pour devenir les minuscules os de l’oreille moyenne chez les mammifères : le marteau, l’enclume et l’étrier. Ces trois os uniques aux mammifères permettent d’amplifier les vibrations sonores, une innovation qui a amélioré la capacité des animaux à entendre dans un environnement terrestre.

Cette transition bien documentée par les paléontologues et les biologistes du développement illustre comment les pressions évolutives peuvent transformer une structure conçue pour une fonction en une autre totalement différente. En revanche, l’origine de l’oreille externe demeurait jusqu’à présent inconnue. Dans le cadre d’une étude récente, une équipe dirigée par le professeur Gage Crump, de la Keck School of Medicine de l’USC, a toutefois décidé de s’attaquer à cette énigme.

Un premier indice est apparu grâce à une observation étonnante : les branchies des poissons et l’oreille externe des mammifères sont en effet constituées d’un même matériau rare : le cartilage élastique. Ce point commun intrigant a conduit l’équipe à explorer une éventuelle parenté entre ces deux structures anatomiques.


Des branchies aux oreilles : une connexion génétique

Pour percer ce mystère, les chercheurs se sont tournés vers des activateurs génétiques, des séquences d’ADN qui contrôlent l’expression des gènes spécifiques. Ces activateurs sont comme des interrupteurs : ils déterminent quels gènes s’activent pour former des tissus précis.

L’équipe a utilisé un modèle animal surprenant : le poisson-zèbre, une espèce couramment étudiée en biologie en raison de son génome bien documenté. En insérant des activateurs génétiques humains impliqués dans la formation de l’oreille externe dans le génome du poisson-zèbre, les chercheurs ont alors observé une activité spécifique dans ses branchies. De manière tout aussi fascinante, l’expérience inverse a également été réalisée. Or, les activateurs génétiques des branchies de poissons-zèbres, insérés dans le génome de souris transgéniques, ont montré une activité dans leurs oreilles externes. Ces résultats démontrent un lien fonctionnel entre les branchies des poissons et l’oreille externe des mammifères.

Cette relation génétique a ainsi permis de reconstituer un scénario évolutif. Au fil du temps, les activateurs impliqués dans la formation des branchies des poissons auraient été réutilisés et adaptés pour former des oreilles externes chez les mammifères.


branchies oreilles
Un amplificateur de l’oreille externe humaine stimule l’expression de la protéine fluorescente verte dans les branchies d’un poisson-zèbre âgé de deux semaines. Crédits : Mathi Thiruppathy et le laboratoire Gage Crump

Une transition évolutive entre espèces

L’étude ne s’est pas arrêtée là. En collaboration avec d’autres chercheurs, l’équipe a examiné des espèces intermédiaires comme les amphibiens et les reptiles. Chez les têtards, les activateurs humains et de poissons-zèbres ont montré une activité dans leurs branchies, suggérant que ces structures partagent une origine commune.

Chez les reptiles, un changement majeur a été observé. Auparavant situé dans les branchies, le cartilage élastique s’est déplacé vers le conduit auditif. Cette migration marque une étape clé dans la formation de l’oreille externe.

Enfin, chez les premiers mammifères, ce cartilage a évolué davantage pour donner naissance à une structure proéminente essentielle pour collecter et amplifier les sons. Cette transformation illustre ainsi comment des structures anatomiques peuvent être radicalement modifiées par l’évolution pour remplir de nouvelles fonctions.


Une origine encore plus ancienne : les invertébrés marins

L’un des aspects les plus surprenants de l’étude est la découverte que ce type de cartilage pourrait remonter encore plus loin dans le temps. Les chercheurs ont en effet trouvé des tissus similaires au cartilage élastique dans les branchies et tentacules de certains invertébrés marins comme les limules. Souvent considérées comme des fossiles vivants, ces créatures existent depuis près de 400 millions d’années.

Pour tester cette hypothèse, l’équipe a analysé les activateurs génétiques des branchies des limules. En insérant ces séquences dans le génome de poissons-zèbres, ils ont constaté une activité dans leurs branchies. Cela suggère que les origines du cartilage élastique de l’oreille externe des mammifères pourraient remonter aux tout premiers invertébrés marins.

Un nouveau regard sur l’évolution

Ces résultats révolutionnent notre compréhension de l’évolution des mammifères. Ils montrent en effet que l’évolution fonctionne souvent comme un processus de recyclage biologique. Des structures existantes sont modifiées et réutilisées pour remplir de nouvelles fonctions. Dans ce cas, les branchies des poissons, initialement utilisées pour la respiration, ont fourni la base génétique pour le développement de l’oreille externe, une structure clé pour l’audition chez les mammifères.

Cette étude met également en lumière le rôle des activateurs génétiques comme outils pour reconstituer l’évolution. En comparant les fonctions de ces séquences chez différentes espèces, les scientifiques peuvent retracer comment des structures anatomiques ont évolué sur des centaines de millions d’années.

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