L’éruption volcanique de l’an 79 de notre ère a enseveli les villes romaines de Pompéi et d’Herculanum sous plus de six mètres de cendres, entraînant la mort de nombreux habitants. Récemment, des chercheurs ont pu explorer l’intérieur d’un rouleau antique réduit en cendres lors de cette catastrophe il y a 2 000 ans grâce à l’imagerie par rayons X et à l’intelligence artificielle. Ce document, roulé jusqu’à atteindre la taille d’une barre de chocolat, pourrait offrir un nouvel aperçu passionnant du passé.
Un ancien rouleau qui a subi la colère du Vésuve
Aujourd’hui conservé avec deux autres à la bibliothèque Bodleian de l’université d’Oxford, ce parchemin précieux, connu sous le nom de PHerc. 172, fait partie des centaines retrouvés dans la bibliothèque d’une luxueuse villa romaine à Herculanum, une ville située sur la côte ouest de l’Italie et entièrement détruite lors de l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C qui pourrait avoir appartenu au beau-père de Jules César. Ce document a été si gravement carbonisé par l’éruption volcanique qu’il ressemble à un morceau de charbon et est trop fragile pour être physiquement déplié, risquant de se réduire en poussière à la moindre tentative d’ouverture. Son encre noire est également illisible et inaccessible.

C’est pourquoi les chercheurs se sont tournés vers la technologie pour « dérouler » virtuellement ces papyrus grâce au Vesuvius Challenge, un concours international financé par plusieurs entrepreneurs du secteur technologique. Ce projet mobilise notamment des techniques d’apprentissage automatique et d’imagerie moderne afin de décrypter le contenu de cette vaste collection de papyrus antiques. L’année dernière, trois étudiants ont d’ores et déjà remporté le grand prix de 700 000 dollars du concours en parvenant à révéler plus de 2 000 caractères d’un de ces parchemins grâce à l’intelligence artificielle.
Le mercredi 5 février, le Vesuvius Challenge a toutefois annoncé une nouvelle « avancée historique » en dévoilant la première image réussie de l’intérieur du parchemin où apparaissent des colonnes de texte en grec. Brent Seales, informaticien à l’université du Kentucky et cofondateur du Vesuvius Challenge, a déclaré que les organisateurs étaient « ravis du succès de l’imagerie de ce rouleau ». Il a ajouté qu’il « contient plus de texte récupérable que ce que nous avons jamais vu dans un rouleau d’Herculanum scanné ».
Concrètement, que contient ce rouleau ?
Certains caractères sont déjà clairement visibles dans le texte antique et l’équipe pense qu’il s’agissait d’un ouvrage de philosophie. Une première analyse menée par des papyrologues de l’université d’Oxford suggère que l’auteur du document pourrait être le philosophe épicurien Philodème. La majorité des parchemins retrouvés dans la même bibliothèque d’Herculanum dans les années 1750 sont en effet attribués à cet auteur et l’écriture du PHerc. 172 présente une forte ressemblance.
Les experts d’Oxford ont identifié plusieurs mots dans le texte, dont « insensé », un terme caractéristique des écrits de Philodème, ainsi que le mot grec ancien désignant le « dégoût ». Ils supposent que le papyrus est un manuscrit achevé en raison de la présence d’un symbole courant à la fin d’une ligne qui permet de justifier la marge de droite.

« C’est un moment incroyable de l’histoire où bibliothécaires, informaticiens et spécialistes de l’Antiquité collaborent pour rendre visible l’invisible », s’enthousiasme Richard Ovenden, un bibliothécaire de Bodley, dans un communiqué.
Une véritable surprise liée à l’encre
Les scientifiques ont scanné le papyrus à la Diamond Light Source, une installation nationale située au Royaume-Uni et dotée d’un synchrotron, un accélérateur de particules qui produit un puissant faisceau de rayons X. Ils ont ensuite utilisé l’intelligence artificielle pour assembler les images obtenues, détecter la présence d’encre et améliorer la clarté des textes.
« Ce rouleau présente des sections très nettes, avec des couches qui peuvent être séparées assez facilement », explique Seales. « Néanmoins, la véritable surprise a été l’encre. Sa visibilité était bien plus marquée que sur les autres rouleaux dès le début. Par là, je veux dire que l’encre sur le papyrus était visible à plusieurs endroits, même avant que les méthodes basées sur l’intelligence artificielle ne soient utilisées pour en améliorer la lisibilité. »

Selon les chercheurs, cette lisibilité serait probablement due à la composition chimique de l’encre. Elle pourrait effectivement contenir un contaminant plus dense, comme du plomb, bien que l’équipe doive mener d’autres analyses pour le confirmer. Quant au contenu du document, les modèles d’IA ne sont pas encore capables de comprendre la langue ni de reconnaître les caractères, du moins pas pour le moment. C’est donc là qu’intervient l’expertise humaine.
Alors que les spécialistes se penchent sur ce texte, le Vesuvius Challenge invite également le grand public à aider à déchiffrer ces rouleaux dans l’espoir de révéler encore plus de trésors de l’Antiquité. « Il existe un lien sacré entre un écrivain et ses lecteurs », s’émeut Seales. « Les idées des Anciens sont d’une remarquable actualité et transcendent le fossé technologique entre leur époque et la nôtre. » Et avec encore près d’un millier de rouleaux à Naples, cette découverte n’est que le début et nous positionne à l’aube de grandes et fascinantes révélations.