Responsables d’infections saisonnières touchant des centaines de millions de personnes chaque année, les virus de la grippe pénètrent généralement dans les cellules humaines par une porte d’entrée bien connue. Cependant, des chercheurs ont récemment découvert une porte dérobée qui pourrait révolutionner notre compréhension de la transmission et de la virulence de ces virus de la grippe. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles stratégies pour prévenir et contrôler les pandémies grippales.
Grippe : une porte dérobée identifiée
Les virus de la grippe pénètrent traditionnellement dans les cellules humaines en se liant à des molécules de sucre appelées acides sialiques à la surface des cellules. Cette interaction déclenche un processus qui permet au virus de pénétrer dans la cellule hôte où il peut se répliquer et causer une infection.
Cependant, certains virus de la grippe animale utilisent une voie d’entrée différente, connue sous le nom de complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH-II). Jusqu’à présent, l’hypothèse de l’existence de virus de la grippe capable d’utiliser les deux voies simultanément n’avait jamais été confirmée. C’est désormais .
Les chercheurs de l’Université d’Aberystwyth ont en effet mené une série d’expériences pour examiner cette possibilité. En utilisant deux types de cellules humaines, l’une avec et l’autre sans expression du CMH-II à la surface, ils ont exposé les cellules à des particules virales qui ressemblent à trois sous-types de virus de la grippe humaine : H1N1, H3N1 et H2N2.
Les résultats ont montré que les cellules exprimant le CMH-II étaient beaucoup plus susceptibles d’être infectées par les particules de type H2N2 que celles dépourvues de CMH-II, même en présence de niveaux similaires d’acides sialiques. Cette découverte indique que le H2N2 peut utiliser le CMH-II comme une voie d’entrée alternative.
Pour confirmer que le CMH-II constituait bien une voie d’entrée, les chercheurs ont utilisé l’édition génétique pour supprimer la capacité des cellules à produire des acides sialiques. Ils ont découvert que les virus H1N1 et H3N1 ne pouvaient pas infecter les cellules dépourvues d’acides sialiques, alors que le H2N2 le pouvait presque aussi efficacement que dans les cellules normales. Ils ont également identifié trois acides aminés essentiels dans la structure du virus H2N2 permettant cette liaison au CMH-II.

Des implications et des menaces
La découverte de cette nouvelle porte d’entrée pour les virus de la grippe présente des implications importantes pour la santé publique. Les virus de la grippe humaine et animale qui peuvent utiliser le CMH-II pour pénétrer dans les cellules hôtes pourraient en effet se répliquer plus rapidement et atteindre des niveaux plus élevés dans les cellules pulmonaires humaines. Cela pourrait rendre ces virus plus virulents et plus susceptibles de se propager entre les humains, ce qui augmenterait ainsi le risque de pandémies.
Les virus H2N2 ne circulent par exemple plus chez l’Homme depuis la fin de la pandémie de 1957-1968. Cependant, ils sont toujours présents dans les populations d’oiseaux, constituant ce que l’on appelle un réservoir aviaire. Cette situation est préoccupante, car les personnes nées après 1968 n’ont jamais été exposées à ces virus et n’ont donc pas développé d’immunité contre eux. Les virus H2 aviaires représentent donc une menace.
Ces virus peuvent en outre infecter une variété d’espèces animales, y compris les porcs, les souris, les furets et bien sûr les oiseaux. Cette capacité à infecter plusieurs types d’animaux augmente la probabilité qu’un jour, ces virus puissent passer des animaux aux humains, un processus connu sous le nom de transfert zoonotique.
Si les virus H2N2 aviaires acquéraient la capacité de se propager facilement d’une personne à l’autre, cela pourrait donc potentiellement déclencher de nouvelles pandémies, car une grande partie de la population humaine n’aurait aucune protection naturelle contre ces virus.
La communauté scientifique doit maintenant évaluer l’importance relative du CMH-II par rapport aux acides sialiques dans le processus d’infection. Cela nécessitera des recherches approfondies pour comprendre dans quelle mesure les virus utilisent réellement cette voie alternative et quel est le risque de voir des supervirus se propager des animaux aux humains. Ces connaissances seront essentielles pour élaborer des stratégies de prévention et de réponse aux futures pandémies de grippe.