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Les secrets du rituel glaçant des crânes cloués de l’âge du fer révélés grâce à sept têtes coupées en Espagne

Les secrets du rituel glaçant des crânes cloués de l’âge du fer révélés grâce à sept têtes coupées en Espagne

  • vendredi 28 février 2025
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Les anciennes populations ibériques avaient pour coutume de décapiter les morts, de planter un immense clou dans leurs crânes et de les exposer. Mais pourquoi les peuples préhistoriques de la péninsule Ibérique faisaient-ils cela ? S’agissait-il de symboles d’intimidation ou de respect ? Cette question a longtemps fait débat parmi les archéologues et des découvertes apportent enfin des indices qui prouvent que cette pratique était peut-être plus complexe qu’on ne le pensait initialement. Une étude menée par l’Université autonome de Barcelone (UAB) sur les sites de Puig Castellar et d’Ullastret suggère en effet que le rituel des crânes cloués ne correspondait pas à une seule et même expression symbolique parmi les communautés ibériques du nord-est de la péninsule, mais qu’il s’agissait plutôt d’une pratique qui variait selon les régions.


Le rituel des têtes coupées : une source d’interrogation pour les experts

Les têtes coupées constituaient une pratique funéraire unique dans le monde ibérique de l’âge du fer. Après la mort, certains crânes étaient percés d’un clou en fer, puis exposés aux yeux de tous. Les archéologues ont retrouvé plusieurs de ces crânes portant des marques de clouage, et dans certains cas, le clou était encore fiché dans l’os. Pour les archéologues et les anthropologues, elles offrent un moyen d’analyser ces communautés préhistoriques et au fil du temps, des débats ont émergé quant à leur signification réelle : s’agissait-il de trophées de guerre, de reliques de membres éminents de la communauté ou d’autre chose encore ?

Trouver une réponse n’était pas chose aisée. En effet, la plupart des corps étaient incinérés à cette époque, ce qui laisse très peu de traces des rituels mortuaires dans les archives archéologiques. Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont toutefois pu examiner des crânes coupés trouvés sur la côte sud-est de la péninsule Ibérique dans le but d’identifier l’origine des individus décapités et de mieux cerner les motivations de leurs contemporains.

Ville ibérique d’Ullastret, site archéologique, Catalogne, Espagne
Ullastret. Crédits : Yvan Tessier/iStock

Une analyse très poussée des crânes

« Notre hypothèse de départ était que s’il s’agissait de trophées de guerre, ils ne viendraient pas des sites analysés, tandis que si c’étaient des individus vénérés, ils seraient probablement locaux », explique Rubén de la Fuente-Seoane, archéologue à l’Université autonome de Barcelone et auteur principal de l’étude, dans un communiqué publié vendredi 21 février. Publiée en ligne le 13 février dans le Journal of Archaeological Science: Reports, l’étude s’est intéressée à sept crânes cloués datant du dernier millénaire avant notre ère. Ces crânes masculins ont été mis au jour sur deux sites archéologiques de l’âge du fer : Ullastret (situé à environ 135 km au nord de Barcelone) et un autre appelé Puig Castellar. Ces sites, distants d’environ 100 kilomètres, abritaient autrefois des cités antiques à l’arrivée des Romains vers la fin du IIIe siècle avant notre ère.


Pour examiner ces crânes en détail, l’équipe a combiné des techniques de bioarchéologie et d’analyse isotopique. Ils ont étudié les isotopes de strontium et d’oxygène présents dans l’émail dentaire récupéré sur les crânes, ce qui permet de donner des indices sur le régime alimentaire des individus. L’équipe a également prélevé des échantillons de sédiments et de végétation près des sites afin de comparer ces données avec celles issues de l’émail dentaire. Ces informations permettent ainsi aux chercheurs de déterminer si la nourriture consommée provenait de la région ou de plus loin, et donc d’estimer l’origine géographique des individus.

Les chercheurs ont également examiné les endroits où ces crânes ont été retrouvés sur les sites en question, ce qui a ici fourni des indices supplémentaires capitaux.

Quels ont été les résultats ?

crânes cloués crâne avec clou tête coupée
Crédits : Dorieo/Wikimedia Commons

Grâce à cette analyse, les chercheurs ont découvert que trois des quatre têtes coupées du site de Puig Castellar provenaient de personnes non locales, tandis qu’à Ullastret, un seul des trois crânes était d’origine étrangère. « Cette découverte suggère que la pratique des crânes coupés était appliquée de manière différente selon les sites », explique de la Fuente-Seoane. Par ailleurs, cela démontre que « la sélection des individus pour le rituel des têtes coupées était plus complexe qu’on ne le pensait au départ ».


À Puig Castellar, tous les crânes non locaux ont été découverts sur ou près des murs extérieurs, ce qui suggère qu’ils étaient cloués et exposés à la vue de tous. Les experts estiment qu’ils étaient ainsi exhibés pour démontrer une forme de pouvoir et de coercition aussi bien pour la répression interne que pour intimider un groupe extérieur.

À Ullastret, les crânes locaux ont en revanche été retrouvés à l’intérieur des habitations ou dans des rues du centre de la ville, ce qui laisse penser qu’ils étaient exposés dans ou devant les maisons pour honorer des membres importants de la communauté. Cela appuie donc l’hypothèse selon laquelle ces crânes appartenaient à des figures éminentes de la société. Un troisième crâne du site, probablement d’origine étrangère, a quant à lui été retrouvé sur l’un des murs extérieurs de l’établissement, ce qui pourrait cette fois laisser suggérer un trophée de guerre.

Une concordance avec les récits historiques sur les crânes

Les chercheurs notent dans leur étude que ces découvertes concordent en tout point avec les récits historiques laissés par les Grecs et les Romains. Les auteurs antiques rapportent en effet que les Gaulois du sud de la France avaient pour habitude de couper la tête de leurs ennemis et de les conserver dans des boîtes tandis que les mercenaires ibériques portaient parfois des têtes ennemies empalées sur leurs lances. Toutefois, les chercheurs soulignent que bien qu’éclairants, ces résultats devront être complétés par des recherches supplémentaires pour comprendre pleinement la signification de ce rituel.

Vous pouvez consulter l’étude sur ce lien et le communiqué de presse ici.

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