Une découverte étonnante dans une grotte du nord de l’Espagne pourrait bien redéfinir notre compréhension des Néandertaliens, ces hominidés éteints qui ont partagé une partie de notre histoire. En effet, une équipe de chercheurs a mis au jour une réserve de quinze fossiles marins dans la grotte de Prado Vargas qui suggèrent que ces anciens habitants de la Terre pourraient avoir pratiqué une activité très humaine : la collecte d’objets. Si l’on associe généralement la collection à des comportements modernes tels que l’accumulation de timbres, de cartes de baseball ou de souvenirs, cette découverte soulève la question fascinante de savoir si les Néandertaliens pouvaient eux aussi avoir un goût pour les objets symboliques bien avant l’apparition de l’Homo sapiens.
Une culture ancestrale
La pratique de la collection est un loisir qui consiste à accumuler, conserver et parfois exposer des objets d’intérêt. Si l’on cherche à en retracer les origines, on pourrait penser à l’apparition de l’écriture et à la conservation du savoir, avec des exemples comme le roi assyrien Assurbanipal (VIIe siècle av. J.-C.), qui collectionnait des tablettes d’argile. Cependant, cette vision ne reflète pas l’ensemble de la réalité, car des traces de comportements collecteurs sont bien plus anciennes.
La curiosité humaine pour des objets de forme et de couleur variées, comme des pierres ou des fossiles, pourrait même remonter à l’époque de Neandertal. Plusieurs sites européens ont en effet révélé que ces groupes semblaient avoir un intérêt particulier pour des objets qui captaient leur attention. Parfois, ces objets étaient modifiés pour devenir des ornements ou étaient utilisés comme outils, comme des broyeurs ou des marteaux.
Habituellement, les anthropologues fouillent un ou deux spécimens de ce type, mais jusqu’à présent, aucune grotte ou campement néandertalien n’avait livré autant de spécimens que le niveau N4 de la grotte de Prado Vargas, en Espagne.
Une passion pour les fossiles marins ?
Les fossiles trouvés dans la grotte de Prado Vargas datent d’entre 39 800 et 54 600 ans. Il s’agit également de fossiles marins, ce qui les rend d’autant plus intrigants. Les chercheurs en ont fouillé une quinzaine qui date du Crétacé supérieur. Ces fossiles appartiennent aux familles Gryphaeidae, Pectinidae, Cardiidae, Pholadomyidae, Pleurotomariidae, Tylostomatidae et Diplopodiidae. Tous ont été trouvés dans le contexte d’argile et de sédiments de grottes autochtones.
Contrairement à d’autres objets récupérés par les Néandertaliens, comme des outils ou des vestiges d’animaux chassés, ces fossiles ne semblent avoir aucune utilité directe, notamment alimentaire. Les chercheurs émettent l’hypothèse qu’ils aient été collectés pour des raisons autres que pratiques, ce qui suggère que les Néandertaliens y accordaient une forme de valeur symbolique, une aptitude liée à la pensée complexe et à l’imaginaire.
Une hypothèse intrigante est que les fossiles aient été collectés par des enfants, un comportement similaire à celui des jeunes humains modernes qui sont souvent attirés par la collecte de coquillages, de cartes ou d’autres objets. Les enfants, curieux par nature, sont souvent fascinés par des objets qui sortent de l’ordinaire. Cette passion pour l’accumulation pourrait expliquer pourquoi les fossiles ont été collectés. En outre, des restes d’enfants néandertaliens ont déjà été découverts dans la même grotte, ce qui rend cette hypothèse plausible.

Plus humains que jamais
Si la collecte de fossiles par les Néandertaliens était effectivement motivée par des raisons symboliques, cela pourrait avoir des implications profondes sur la manière dont nous comprenons ces hominidés. Les Néandertaliens sont souvent perçus comme moins évolués que les humains modernes, mais cette découverte suggère qu’ils possédaient pourtant une capacité à attribuer de la signification aux objets, un trait généralement considéré comme propre aux humains.
D’autres découvertes antérieures ont par ailleurs déjà montré que les Néandertaliens étaient capables de comportements complexes. Ils fabriquaient en effet des outils sophistiqués, soignaient les blessés, enterraient leurs morts et pouvaient même avoir des pratiques religieuses. Cette découverte vient ainsi s’ajouter à cette liste et suggère que leur monde était bien plus complexe et nuancé que ce que l’on pensait auparavant. Le fait qu’ils aient collecté des fossiles marins, un objet sans utilité directe, témoigne de la profondeur de leur cognition et de leur capacité à interagir avec leur environnement d’une manière symbolique.