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Les bonobos sont-ils vraiment les « hippies » du monde des primates ?

Les bonobos sont-ils vraiment les « hippies » du monde des primates ?

  • mardi 10 décembre 2024
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De nouvelles recherches menées dans la réserve de bonobos de Kokolopori en République démocratique du Congo révèlent une facette inattendue des bonobos qui ont longtemps été considérés comme les plus pacifiques des grands singes.


Les hippies du monde animal

Les bonobos sont souvent considérés comme des « hippies » en raison de leur réputation de primates pacifiques et amoureux. Cette comparaison trouve ses origines dans le comportement observé chez ces animaux dans leur habitat naturel en Afrique centrale. Contrairement à leurs cousins les chimpanzés qui sont connus pour leur comportement agressif et leur tendance à résoudre les conflits par la violence, les bonobos sont en effet réputés pour favoriser la résolution pacifique des conflits et l’établissement de liens sociaux harmonieux. Ils sont souvent décrits comme étant plus empathiques, coopératifs et sexuellement libérés que les chimpanzés.

Les bonobos utilisent par ailleurs régulièrement le sexe comme un moyen de renforcer les liens sociaux, de réduire les tensions et de résoudre les conflits au sein de leur groupe. Les interactions sexuelles sont courantes et variées, et peuvent impliquer des individus de tous âges et des deux sexes.

De plus, ces singes sont connus pour leur système social matrilinéaire, où les femelles jouent un rôle dominant dans la structure sociale. Les relations entre les membres du groupe sont souvent basées sur la solidarité féminine, et les femelles peuvent former des alliances pour soutenir leur position sociale et protéger leurs intérêts.


Cette réputation de « hippies » du règne animal a contribué à l’intérêt croissant pour les bonobos dans le domaine de la primatologie et au-delà. Leur comportement unique offre en effet des perspectives fascinantes sur les origines de la coopération sociale et de la résolution des conflits, remettant en question certaines idées préconçues sur la nature humaine. Toutefois, les bonobos sont-ils vraiment aussi pacifiques ? Une étude ajoute un peu de nuances.

Un suivi focal de 14 ans

Les chercheurs s’intéressant à l’évolution de l’agression humaine utilisent souvent les bonobos et les chimpanzés comme points de comparaison précieux en raison de leur proximité génétique avec les humains. Ces deux espèces présentent en effet des comportements contrastés chez les mâles : les chimpanzés ont tendance à exercer une coercition sexuelle sur les femelles et peuvent parfois se livrer à des comportements violents, y compris le meurtre d’autres individus de leur espèce, tandis que les bonobos présentent moins de coercition sexuelle et aucun cas de meurtre n’a été signalé.

Une hypothèse pour expliquer ces différences entre les bonobos et les chimpanzés est celle de l’autodomestication qui suggère que les bonobos ont subi des pressions évolutives conduisant à une réduction de l’agression chez les mâles. Cependant, la mesure dans laquelle ces espèces diffèrent en termes de taux d’agression globaux reste floue en raison de méthodes d’observation qui ne sont pas toujours comparables.


Pour clarifier cette question, les chercheurs ont utilisé des données de suivi focal sur une période de quatorze années dans trois communautés de bonobos en République démocratique du Congo et deux communautés de chimpanzés en Tanzanie.

Plus précisément, les chercheurs ont sélectionné des individus représentatifs de leur groupe respectif et les ont suivis pendant des journées entières, depuis leur réveil jusqu’à leur coucher. Pendant cette période, les chercheurs ont observé et enregistré chaque interaction sociale, chaque comportement alimentaire, chaque déplacement, etc., ce qui a fourni des données détaillées sur le comportement de l’animal.

bonobos
Crédits : Jeff McCurry/istock

Un « côté sombre » inattendu

Les chercheurs ont alors constaté que les bonobos présentaient des taux d’agression mâle-femelle plus faibles et des taux d’agressivité femelle-mâle plus élevés que les chimpanzés, ce qui était conforme aux attentes, étant donné que les femelles bonobos surpassent généralement les mâles dans la hiérarchie sociale. Cependant, ce qui les a surpris, c’est que les bonobos mâles présentaient des taux d’agression mâle-mâle plus élevés que les chimpanzés, même lorsque les analyses étaient limitées aux agressions par contact physique direct. Cela suggère que, contrairement aux idées préconçues, les bonobos peuvent être plus agressifs entre eux que les chimpanzés dans certaines circonstances.


Il est intéressant de noter que chez les deux espèces les mâles les plus agressifs avaient un succès reproducteur plus élevé. Cela indique que, même si les bonobos ont des stratégies de reproduction plus individualistes que les chimpanzés, l’agression entre mâles peut jouer un rôle important dans la réussite de la reproduction chez les deux espèces.

Maud Mouginot, anthropologue et responsable de la recherche, souligne que ces résultats ne visent pas à discréditer l’image des bonobos pacifiques, mais plutôt à souligner la complexité de leur comportement.

En fin de compte, ces découvertes révèlent que les bonobos ont un côté obscur qui mérite d’être étudié de plus près. Leur comportement agressif pourrait avoir des implications importantes pour notre compréhension de l’évolution des primates et des relations sociales au sein de ces espèces fascinantes.

Un nouveau regard sur les bonobos et la compréhension de l’évolution humaine

Ces résultats surprenants invitent à repenser la place des bonobos dans l’étude de l’évolution des comportements sociaux et agressifs, non seulement chez les primates, mais aussi chez les humains. En effet, la coexistence de comportements pacifiques et d’agressions ciblées chez les bonobos montre que la dualité entre coopération et compétition peut être plus nuancée qu’on ne le pensait. Ces observations enrichissent notre compréhension des origines des dynamiques sociales humaines, suggérant que la pacification ou la violence au sein des groupes ne sont pas des absolus, mais des stratégies adaptatives qui évoluent en fonction des contextes écologiques et sociaux.

Les détails de l’étude sont publiés dans Current Biology.

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