Imaginez un iceberg trois fois plus grand que la ville de New York se déplaçant à nouveau après des mois d’immobilité. C’est l’histoire fascinante d’A23a, un énorme bloc de glace surnommé « mégaberg », qui intrigue les scientifiques et ravive l’intérêt pour les mystères des océans. Pourquoi un tel iceberg est-il si important ? Que peut-il révéler sur les écosystèmes marins et sur les changements climatiques ?
Portrait d’un géant
Détaché pour la première fois de la plate-forme de glace Filchner en Antarctique en 1986, A23a est un iceberg exceptionnel par sa taille et son histoire. Avec une superficie d’environ 4 100 km² et une masse estimée à près de 1 000 milliards de tonnes, il est le plus grand iceberg existant. Sa longévité hors norme s’explique par une circonstance unique : peu après s’être détaché, il est resté piégé au fond de la mer non loin des côtes de l’Antarctique. Cette immobilité forcée pendant 37 ans a ralenti sa fonte.
A23a a ainsi réussi à conserver son titre de plus grand iceberg du monde à plusieurs reprises. En mai 2023, il a retrouvé cette distinction après la dislocation de son prédécesseur, l’iceberg A-76A.
Un voyage mouvementé
À la fin de l’année 2023, un événement marquant s’est produit : A23a s’est enfin libéré de son ancrage au fond marin et a commencé à dériver vers le nord. Les scientifiques espéraient alors suivre son voyage pour mieux comprendre le destin des icebergs géants. Toutefois, le voyage d’A23a ne fut pas simple. Quelques mois après sa libération, la structure s’est en effet retrouvée prise au piège dans une « colonne de Taylor », un énorme tourbillon d’eau provoqué par les courants encerclant une montagne sous-marine près des îles Orcades du Sud. Ce phénomène naturel, bien que fascinant, a retenu l’iceberg dans une rotation lente pendant plusieurs mois. À son apogée, le bloc tournait de quinze degrés par jour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Le 13 décembre 2023, A23a a finalement réussi à s’échapper de ce vortex. Il dérive à nouveau vers le nord, ouvrant un nouveau chapitre de son histoire. Les chercheurs surveillent attentivement sa progression pour comprendre son impact écologique et anticiper son destin final.
Pourquoi cet iceberg intrigue-t-il les scientifiques ?
Les icebergs géants comme A23a sont bien plus que de simples masses de glace flottantes. En effet, en fondant, ils libèrent des nutriments essentiels, tels que le fer, dans les eaux environnantes. Ces derniers peuvent stimuler la croissance du phytoplancton qui forme la base de la chaîne alimentaire marine. Ainsi, A23a pourrait créer un écosystème temporaire et florissant sur son passage, même dans des zones océaniques souvent peu productives. Ce que les chercheurs ignorent encore, c’est l’impact de la taille et de l’origine spécifique d’un iceberg sur ce processus.
Pour répondre à ces questions, les scientifiques prélèvent des échantillons d’eau tout au long du trajet prévu de l’iceberg. En comparant ces échantillons, ils espèrent déterminer comment A23a modifie l’écosystème océanique environnant et ce que cela implique pour les écosystèmes polaires dans un contexte de changement climatique.
Le cimetière des icebergs : une étape périlleuse
La plupart des icebergs massifs qui se détachent de l’Antarctique finissent par emprunter le passage de Drake, une section de l’océan Austral surnommée « le cimetière des icebergs ». Dans cette zone, les courants puissants propulsent les icebergs vers des eaux plus chaudes où ils se brisent en morceaux et fondent rapidement.
C’est ce qui est arrivé à l’iceberg A-76A l’année dernière, ainsi qu’à son prédécesseur A68a, qui s’est déchiré en deux en 2020. Si A23a atteint cette région, il connaîtra probablement un sort similaire.
