(Agence Ecofin) - En mars 2011, le roi Mohammed VI créait par décret royal un conseil national des droits de l’homme dont la constitutionnalisation représentait un vrai pas en avant. Dix ans après, il reste encore du chemin à parcourir mais les perspectives sont à la mesure des efforts réalisées jusque-là.
En 10 ans, le Maroc a connu des avancées en notables en matière de respect des droits de l’homme. Grâce à la création de son conseil national des droits de l’homme (CNDH), le royaume chérifien est devenu l’un des premiers pays à avoir mis les droits du citoyen au centre de ses politiques publiques, après les printemps arabes.
Depuis les années 1990, le pays avait commencé à se doter d’institutions destinées à promouvoir les droits de l’homme, tels que le conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), dont la création intervenait dans un paysage marqué par la présence de plusieurs initiatives privées telles que l’Association marocaine des droits humains (AMDH) ou encore l’organisation marocaine des droits humains (OMDH). Cependant, suite au printemps arabe de 2011, la nécessité d’une accélération des efforts des gouvernants dans le sens de la promotion des droits des citoyens marocains a poussé le pouvoir royal à repenser la stratégie en cours depuis plusieurs décennies.
La nouvelle constitution marocaine de 2011 a confirmé les intentions de l’Etat de poursuivre ses efforts en matière de droits de l’homme. Cette ambition s’est manifestée à travers la promotion du CNDH au rang d’institution constitutionnelle en remplacement de l’ancien CCDH et en vertu de l’article 161 de la nouvelle loi fondamentale. Suivant une approche inclusive, plus de 250 organisations de la société civile ont été consultées dans le cadre de la création du nouvel organe aux fins de mieux garantir son indépendance par rapport aux pouvoir publics.
L’une des principales innovations ayant également suivi la constitutionalisation du nouvel appareil étatique de monitoring des droits de l’homme au Maroc est sa régionalisation. En effet, en vue d’améliorer la proximité entre la nouvelle institution et les citoyens tout en renforçant l’interactivité entre « le système de protection et de promotion des droits de l’Homme au niveau territorial et les autres administrations publiques », 13 commissions régionales ont été installées à travers le pays entre décembre 2011 et février 2012. D’après le CNDH, leur objectif est de répondre au « besoin des citoyennes et des citoyens d’un mécanisme de recours » et de contribuer à la consolidation « de la médiation entre l’Etat et les citoyens ».
Ainsi, cette nouvelle place accordée à la promotion des droits de l’homme s’est accompagnée d’une ouverture plus importante du débat public sur des thématiques essentielles telles que la peine de mort, le droit des femmes et l’égalité pour tous par exemple. La ratification par le pays de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en 2013, et son adhésion un an plus tard au Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants semble d’ailleurs confirmer cette tendance.
Une marge de manœuvre encore importante
Bien que la création du CNDH soit considéré comme l’une des avancées majeures qu’ait connu le Maroc ces dernières années, il faut souligner que le chemin en matière de promotion de droits de l’homme reste encore long. Le pays continue de reculer dans le classement World Justice Project (WJP) sur l’Etat de droit (74e sur 126 pays en 2019 et 79e en 2020) avec une composante « droits fondamentaux » dont le score n’a évolué que de 0,44 à 0,45 sur une échelle de 1, entre 2011 et 2020. Bien que le débat soit ouvert, le CNDH n’a toujours pas réussi à abolir la peine de mort dans un pays où la principale force politique au parlement, le parti justice et développement (PJD) est favorable à un islam conservateur, quoi que modéré, et donc à la peine de mort telle que l’impose la charia. De plus les divergences d’opinions restent vives concernant la liberté de conscience.
Pourtant d’un autre côté le royaume chérifien a progressé de la 136e place mondiale en matière de liberté de la presse, à la 133e place entre 2013 et 2020, selon le classement Reporters Sans Frontières (RSF).
Ainsi, même si la garantie et la protection des droits de l’homme au Maroc restent perfectibles, de nombreux efforts ont été mis en œuvre par le pays pour améliorer leurs promotions, notamment à travers l’arsenal juridique et institutionnel dont se dote progressivement l’Etat. De plus, la création d’un parquet depuis l’adoption de la nouvelle constitution en 2011 est de nature à renforcer les bases d’une justice totalement indépendante et donc plus encline à protéger les droits de ses citoyens.
Alors que près de 18 millions de marocains votent aujourd’hui pour élire leurs nouveaux parlementaires, l’un des principaux défis des nouveaux élus sera d’accélérer ce qui s’apparente aujourd’hui comme une « transition contrôlée » vers un Etat de droit où tous les droits de l’homme sont protégés et garantis dans les lois et dans les faits.