Une maison en flammes et des corps brûlés
En 2004, des archéologues ont découvert près de 100 fragments d’ossements humains dans une maison incendiée à Kosenivka, située à environ 185 km au sud de Kiev. Ces vestiges appartenaient à au moins sept individus : deux enfants, un adolescent et quatre adultes. Parmi eux, quatre corps étaient fortement brûlés et retrouvés à l’intérieur de la maison, tandis que les trois autres, non brûlés, gisaient à l’extérieur.
L’analyse des ossements a révélé des blessures traumatiques au crâne sur deux adultes, ce qui suggère une mort violente survenue juste avant ou pendant l’incendie. Grâce à la datation au radiocarbone, les chercheurs ont établi que six des personnes sont mortes presque simultanément, entre 3690 et 3620 avant J.-C. Cependant, un mystère supplémentaire est apparu : un septième individu, retrouvé bien plus tard, semble être décédé environ 130 ans après l’incendie, ce qui complique encore la compréhension des événements.
Violence, rituel ou conflit intergroupes ?
La culture Cucuteni-Trypillia (CTS) est connue pour ses vastes colonies et ses incendies rituel des habitations qui étaient souvent liées à des migrations. Cependant, la présence de cadavres dans cette maison détruite soulève des questions. Les chercheurs envisagent plusieurs hypothèses.
Les blessures au crâne de deux individus et l’incendie pourraient notamment indiquer une attaque par un groupe ennemi. La région, peuplée à l’époque de groupes nomades, aurait pu être le théâtre de conflits intergroupes. Selon certains experts, l’hypothèse d’une attaque externe est plus plausible que l’auto-destruction rituelle d’une maison pleine de ressources comme de la nourriture, des outils et de la céramique.
Les traces d’incinération et la disposition des ossements, notamment la découverte d’un fragment de crâne placé délibérément sur les débris bien plus tard, pourraient également indiquer une pratique liée à un culte des ancêtres. Ce type de rituel en plusieurs étapes était peut-être destiné à honorer les morts ou à purifier symboliquement les lieux.
Enfin, bien que moins probable, certains éléments laissent la porte ouverte à un accident domestique ayant entraîné un incendie fatal, suivi de rites funéraires improvisés.

Une enquête toujours ouverte
Malgré les avancées scientifiques, de nombreuses questions restent sans réponse. Pourquoi ces personnes ont-elles subi un sort aussi brutal ? Quel rôle ont joué les traditions locales dans cet événement ? Le site de Kosenivka est une mine d’informations sur les pratiques culturelles et sociales de l’époque, mais il illustre aussi les limites de l’archéologie face aux mystères de l’histoire humaine.
Jordan Karsten, archéologue, suggère que cet événement pourrait être un exemple de conflits intergroupes, une facette encore mal connue de la société Cucuteni-Trypillia. En effet, dans un environnement de steppe boisée où cohabitaient agriculteurs sédentaires et pasteurs nomades, les tensions pour l’accès aux ressources étaient probablement fréquentes.
Katharina Fuchs, co-autrice de l’étude, propose quant à elle que les rituels de déposition observés reflètent des traditions funéraires à plusieurs étapes, témoignant d’une spiritualité complexe. Cependant, elle admet que beaucoup d’aspects de cette culture restent encore méconnus, notamment leur manière de traiter les morts.