Dans le sud de la France, sur le gigantesque chantier du réacteur ITER (Réacteur thermonucléaire expérimental international), un convoi exceptionnel vient d’arriver. Il transporte le dernier composant du système d’alimentation magnétique développé par la Chine, un élément crucial pour le fonctionnement futur du « Soleil artificiel ». Cette livraison marque une étape décisive dans l’avancement de ce projet scientifique parmi les plus ambitieux de l’histoire.
ITER : une étoile en construction sur Terre
ITER, c’est un projet titanesque lancé dans les années 1980, qui réunit sept grandes puissances mondiales : l’Union européenne, la Chine, les États-Unis, la Russie, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud. Son objectif : maîtriser la fusion nucléaire, cette réaction qui alimente naturellement les étoiles, pour en faire une source d’énergie propre, sûre et inépuisable.
Contrairement à la fission nucléaire utilisée dans les centrales actuelles, la fusion ne produit ni déchets radioactifs à longue durée de vie, ni gaz à effet de serre. Elle repose sur la fusion de noyaux légers (comme l’hydrogène) pour former des noyaux plus lourds, en libérant une immense quantité d’énergie.
Mais reproduire sur Terre les conditions extrêmes du cœur du Soleil est un défi technologique sans précédent. C’est là qu’entrent en jeu les systèmes magnétiques d’ITER.
Un système magnétique made in China
Développé par l’Institut de physique des plasmas de l’Académie chinoise des sciences (ASIPP), le système d’alimentation magnétique livré à ITER est le plus complexe jamais fourni par la Chine pour un projet international.
Il comprend 31 ensembles gigantesques, pesant au total 1 600 tonnes, dont certains mesurent jusqu’à 15 mètres de diamètre. Conçus pour alimenter et refroidir les aimants supraconducteurs d’ITER, ces composants permettent de contenir et contrôler le plasma brûlant à l’intérieur du réacteur. Sans eux, impossible de maintenir la réaction de fusion.
Ce système ne se contente pas de transporter de l’énergie : il joue aussi un rôle clé en renvoyant des signaux de contrôle et en servant de canal de décharge, capable de libérer en toute sécurité l’énergie magnétique stockée.

EAST : la Chine a déjà son propre Soleil artificiel
La Chine ne se contente pas de contribuer à ITER. Elle mène aussi ses propres recherches à la pointe de la fusion nucléaire avec son réacteur EAST (Tokamak supraconducteur avancé expérimental). En janvier dernier, EAST avait établi un nouveau record mondial en maintenant un plasma confiné pendant 1 066 secondes, soit près de 18 minutes.
Ces avancées témoignent de la montée en puissance de la Chine dans le domaine des technologies énergétiques du futur, et de son engagement actif dans la transition vers une énergie décarbonée.

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Vue aérienne d’ITER en 2021. Crédits : aerovista luchtfotografie/istockVers le premier plasma d’ITER
Avec cette dernière livraison, tous les composants nécessaires au système magnétique d’ITER sont désormais en place. Le chantier entre ainsi dans une phase critique : la préparation du premier plasma, prévu dans les prochaines années. Ce sera la première fois qu’ITER tentera d’allumer la fusion en conditions réelles.
Si l’expérience est un succès, ITER pourrait devenir le premier réacteur à fusion à produire plus d’énergie qu’il n’en consomme, ouvrant la voie à une nouvelle ère énergétique.
Une énergie propre… à portée de main ?
Avec un coût estimé à plus de 25 milliards de dollars, ITER n’est pas qu’un rêve scientifique. C’est un pari sur l’avenir de l’humanité. La fusion nucléaire, si elle est maîtrisée à grande échelle, pourrait remplacer les énergies fossiles, réduire notre empreinte carbone et assurer l’indépendance énergétique des générations futures.
Et désormais, grâce à la Chine, une pièce maîtresse de ce puzzle vient d’être posée.