(Agence Ecofin) - La Gambie a démarré le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution. Bien que le nouveau texte limite le nombre de mandats présidentiels, cette réforme fait craindre une volonté de l’actuel président, Adama Barrow, de faire deux autres mandats à la tête du pays.
Le Parlement gambien a examiné, en première lecture le lundi 14 septembre, le projet de nouvelle Constitution censée remplacer celle de 1997, adoptée trois ans après un coup d’Etat militaire dirigé par l’ancien président Yahya Jammeh.
L’approbation de ce texte au deux tiers des votes des députés gambiens permettra, par la suite, de soumettre ledit projet à un référendum populaire pour son adoption définitive.
Rédigé par la Commission de révision constitutionnelle (CRC) créée en décembre 2017, ce projet qui sera la troisième Constitution de la Gambie – la première date de 1970 – devrait permettre « au peuple gambien de prendre un nouveau départ dans la gouvernance démocratique ».
Le nouveau texte consacre notamment la limitation des mandats présidentiels à deux – ce verrou avait été supprimé sous Yahya Jammeh - et donne la possibilité au président de désigner et de nommer son vice-président.
Les nominations ministérielles sont toutefois soumises à la confirmation de l'Assemblée nationale qui doit être effectuée dans les quatorze jours qui suivent. Lorsqu'elle décide de ne pas confirmer un ministre, elle est tenue de fournir ses motifs par écrit au président dans les trois jours. Tout manquement à cet égard entraînera l'approbation du responsable.
Le nouveau projet institue, par ailleurs, un nouveau mode de fonction du Parlement, un système de quotas pour la représentation des femmes à l’Assemblée nationale et l’indépendance politique des membres de la Commission électorale nationale.
Les compteurs remis à zéro pour Adama Barrow
La perspective d’adoption de cette nouvelle Constitution alimente la suspicion sur les intentions réelles de l’actuel président Adama Barrow (photo) quant à l’exercice du pouvoir.
Pour certains observateurs et membres de la société civile, le président, au pouvoir depuis janvier 2017, pourrait se servir de cette réforme constitutionnelle pour ne pas respecter la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux.
Les détracteurs fondent leur argumentation sur le fait que l’actuel président avait déjà manqué à sa parole en ne respectant pas sa promesse électorale formulée en 2016 dans laquelle il avait assuré qu’il ne ferait que trois ans au pouvoir afin d’effectuer des réformes et de consolider les institutions démocratiques et les droits de l'homme en Gambie. Par la suite, il avait exprimé, dans plusieurs déclarations publiques, son intention de rester au pouvoir pendant les 5 ans qui constituent la durée légale du mandat présidentiel.
En décembre 2019, plusieurs manifestations publiques avaient même été organisées par le mouvement « Three Years Jotna » pour demander à Adama Barrow de respecter sa promesse électorale et de quitter le pouvoir.
De leur côté, les partisans du président estiment que l’adoption d’une nouvelle Constitution aura pour effet de remettre le compteur à zéro pour Adama Barrow. Ainsi, son premier mandat devrait commencer en 2021.
Selon le point de vue de l'avocat et professeur de droit constitutionnel, Lamin Darboe, qui fait campagne pour le président auprès des députés et rapporté par BBC, le mandat du chef de l'Etat ne peut commencer qu'en 2021, si l’on veut respecter la loi.
Borgia Kobri