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Et si notre avenir se jouait à 20 000 lieues sous les mers, et non dans l’espace ?

Et si notre avenir se jouait à 20 000 lieues sous les mers, et non dans l’espace ?

  • samedi 19 avril 2025
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Il y a environ 370 millions d’années, un étrange animal à pattes, ancêtre des vertébrés terrestres, quittait les océans pour poser le pied sur la terre ferme. Ce fut un tournant décisif dans l’histoire du vivant. Depuis, l’humanité s’est solidement enracinée sur la terre, construisant civilisations, infrastructures, mégalopoles… et explorant même l’espace. Mais voilà que le scénario s’inverse : aujourd’hui, certains envisagent de retourner dans les profondeurs marines. Non plus pour de courtes plongées, mais pour y vivre. Une idée audacieuse portée notamment par une start-up britannique, DEEP, qui souhaite établir les premiers habitats humains sous-marins permanents d’ici à 2027.


L’ambition est grande, presque utopique : installer des structures habitables au fond des mers pour former des bases d’exploration scientifique, d’entraînement ou même, à plus long terme, de colonisation. Et si cette idée, qui semble tout droit sortie d’un roman de Jules Verne, était en réalité une piste crédible pour l’avenir de l’humanité ?

Habiter les océans : une utopie technologique ?

Le projet DEEP repose sur un constat simple : nous connaissons mieux la surface de Mars que les abysses de nos propres océans. Pourtant, les mers couvrent plus de 70 % de la surface terrestre et abritent une biodiversité phénoménale, dont une grande partie reste encore inexplorée. Plutôt que de regarder uniquement vers les étoiles, pourquoi ne pas explorer les profondeurs que nous avons sous les pieds ?

Pour cela, DEEP développe des habitats sous-marins imprimés en 3D grâce à une technologie appelée « fabrication additive par arc électrique ». Ces structures métalliques, à la fois robustes et légères, sont conçues pour résister à la pression intense des profondeurs. Le premier prototype, baptisé Vanguard, sera opérationnel dès cette année. Ce module compact de 28 m² pourra accueillir trois plongeurs à une centaine de mètres de profondeur pour des missions de courte durée.


Mais les ambitions de DEEP vont bien au-delà. Les unités suivantes, appelées Sentinelles, seront conçues pour des séjours de 28 jours jusqu’à 200 mètres de profondeur. Ces habitats de nouvelle génération disposeront de chambres, d’un laboratoire, d’une cuisine et même de toilettes avec chasse d’eau. En somme, les prémices d’une vie semi-permanente dans l’environnement sous-marin.

D’ici 2050, nous pourrions même assister à la naissance du premier bébé sous l’eau, selon l’entreprise – symbole indéniable du retour de l’humanité à ses origines océaniques.

DDEP VIVRE SOUS L'EAU
Les espaces d’habitation à l’intérieur de l’habitat Sentinel devraient être suffisamment confortables pour permettre des conditions de vie sous-marine à long terme. Crédits : DEEP

Le corps humain est-il prêt pour cette vie en immersion ?

Vivre sous l’eau n’est pas anodin, même à des profondeurs relativement faibles. Le corps humain, conçu pour évoluer à la pression atmosphérique, réagit différemment lorsqu’il est exposé à la pression accrue des profondeurs. Dès les années 1960, des projets comme Sealab ou Conshelf avaient tenté l’expérience, mais toujours de manière temporaire. La véritable question est : peut-on vivre durablement sous la mer sans altérer notre santé ?


En 2023, le chercheur Joseph Dituri, surnommé « Dr Deep Sea », a tenté l’expérience ultime : il a passé 100 jours dans un habitat sous-marin en Floride, battant un record mondial. Ses paramètres physiologiques ont été suivis en continu : il a constaté une amélioration du sommeil paradoxal, une baisse du cholestérol, mais aussi une forte myopie temporaire et une perte de densité corporelle. Plus marquant encore : l’absence totale de lumière naturelle a fortement affecté son moral. « Je suis une créature du soleil », a-t-il confié à la sortie, expliquant qu’il avait demandé à ses proches de lui envoyer des photos du soleil pendant son séjour.

Ces expériences montrent que, si l’humain peut survivre sous l’eau, des défis biologiques et psychologiques importants subsistent. Le rythme circadien, essentiel à notre bien-être, est perturbé par l’absence de lumière. La saturation des tissus en gaz sous pression limite la durée des séjours, sauf à accepter des procédures de décompression longues et complexes.

L’enjeu écologique : explorer sans abîmer

Outre les défis humains, une question essentielle se pose : quel impact une telle occupation aurait-elle sur les écosystèmes marins ? Les habitats proposés par DEEP visent à permettre une meilleure étude de la faune et de la flore sous-marine, mais leur simple présence pourrait bouleverser des équilibres fragiles. Introduire des structures métalliques dans des milieux naturels sensibles, c’est prendre le risque d’interférer avec la vie marine, de modifier des comportements animaux ou d’introduire des sources de pollution.


Les concepteurs du projet assurent vouloir travailler en étroite collaboration avec les scientifiques pour minimiser l’impact environnemental. Ils insistent sur le potentiel de ces habitats pour améliorer notre connaissance des océans, mieux protéger les espèces menacées, voire restaurer certains écosystèmes dégradés. Mais l’équilibre entre exploration et préservation reste délicat.

Une nouvelle Atlantide ou un mirage technologique ?

DEEP ne cache pas son ambition : devenir le SpaceX des océans, en attirant les meilleurs talents et en stimulant un nouvel engouement pour l’exploration sous-marine. À l’horizon 2035, l’entreprise espère avoir lancé dix projets à travers le monde. Et à plus long terme, elle envisage même la création d’un véhicule habité sous-marin, capable de relier différentes stations et de servir de base mobile pour les explorateurs des profondeurs.

Alors que le climat se dérègle, que les ressources se raréfient et que la conquête spatiale s’accélère, ce retour vers les océans pourrait bien offrir une alternative crédible. Non pas comme une fuite, mais comme une nouvelle manière d’habiter la Terre, de renouer avec nos origines aquatiques et de redéfinir notre lien au vivant.

Reste à savoir si cette vision peut devenir réalité sans reproduire les erreurs du passé. Car si l’on veut faire des océans notre nouveau foyer, il faudra s’y installer en invité, et non en conquérant.

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