Selon une nouvelle étude, de nombreuses boucles coronales (des brins de plasma filants censés évoluer dans l’atmosphère du Soleil) pourraient n’être en fait que des illusions d’optique. Ces travaux remettent en question les hypothèses dominantes sur ce que nous savons et ignorons sur notre étoile.
Les boucles coronales
Certains se rappellent peut-être de leurs cours de physique. Une expérience bien connue consiste à placer un aimant au milieu d’une poudre de limaille de fer. Les particules de fer s’orientent alors pour laisser apparaître les lignes de champ magnétique de l’aimant. Ces lignes courbes s’étalent, devenant plus faibles et moins denses à mesure qu’elles s’éloignent de l’aimant.
Les boucles coronales apparentes semblent étonnamment similaires. Ces structures se trouvent généralement autour des taches solaires et dans les régions actives de notre étoile. Vous ne les verrez que sur les images prises du Soleil dans l’ultraviolet extrême. Notre Soleil générant un puissant champ magnétique, l’existence de lignes de champ magnétique capables de piéger des cordes de plasma entre elles pour créer des boucles paraissait donc évidente, à première vue. Mais est-ce vraiment le cas ?
Plusieurs chercheurs se sont déjà posé la question. En effet, les boucles coronales observées sur le Soleil ne se sont jamais comportées exactement comme elles le devraient. Par exemple, les chercheurs s’attendraient à ce que les lignes de champ magnétique s’écartent, tout comme dans l’expérience de la limaille de fer, à mesure que vous vous déplacez plus haut dans la couronne. Le plasma piégé entre les lignes de champ se répandrait alors également entre les frontières, créant des boucles plus épaisses et moins lumineuses. Or, ce phénomène est invisible dans les images du Soleil. Au lieu de cela, les boucles plus éloignées semblent toujours minces et brillantes.
Une nouvelle simulation ultra complète
Dans le cadre d’une étude, des chercheurs du National Center for Atmospheric Research (NCAR) se sont appuyés sur une simulation très détaillée de la couronne solaire produite par MURaM. Il s’agit d’un modèle magnétohydrodynamique étendu pour modéliser simultanément ce qui se passe dans plusieurs régions solaires.
Il s’agit d’un élément important. En effet, que vous soyez à 10 000 kilomètres sous la surface ou à près de 40 000 kilomètres au-dessus, dans la couronne solaire, les conditions physiques ne sont pas les mêmes. Ici, la simulation a donc pu capturer pour la première fois l’intégralité du cycle de vie d’une éruption solaire en prenant en compte l’ensemble de ces paramètres. Le modèle a également produit des ensembles de données tridimensionnelles contenant la structure du champ magnétique et du plasma.
Étant donné que la couronne solaire est relativement transparente, les structures de la couronne semblent se chevaucher dans les images prises du Soleil. À partir de là, il devient alors compliqué de dire si une « boucle » qui chevauche d’autres boucles se place devant ou derrière. Il est également difficile de déterminer la forme de ces boucles. Ici, les données produites ont permis d’étudier séparément ces structures se chevauchant, ce qui n’était pas possible auparavant.

Des illusions d’optique
L’analyse de ces résultats a été très surprenante. En effet, bien que les chercheurs aient pu effectivement identifier certaines boucles coronales, ils ont également découvert que dans de nombreux cas, ces structures n’étaient en réalité que des rides de plasma brillant dans l’atmosphère solaire. Lorsque les feuilles de plasma brillant se replient sur elles-mêmes, les plis ressemblent à de fines lignes brillantes, imitant l’apparence de brins de plasma distincts et autonomes.
« J’ai passé toute ma carrière à étudier les boucles coronales« , souligne Anna Malanushenko, principale auteure de l’étude. « J’étais ravie que cette simulation me donne l’opportunité de les étudier plus en détail. Et je ne m’attendais pas à ça. Quand j’ai vu les résultats, mon esprit a explosé. Il s’agit d’un tout nouveau paradigme pour comprendre l’atmosphère du Soleil« .
Bien que cette simulation soit l’une des plus réalistes jamais créées de la couronne solaire, il ne s’agit encore que d’un modèle. D’autres méthodes d’observation seront donc nécessaires pour appréhender pleinement ces phénomènes. Ces résultats auront alors des implications importantes. En effet, ces présumées boucles coronales étaient jusqu’à présent utilisées pour déduire des informations sur la densité, la température et d’autres facteurs physiques caractéristiques de l’atmosphère solaire. Si elles ne sont que des illusions pour la plupart, alors il va falloir tout revoir.