Le langage est l’un des traits les plus distinctifs de l’humanité. Si l’on en croit les experts, il n’est pas simplement un moyen de communication, mais un facteur clé de notre évolution. Mais pourquoi et comment avons-nous développé cette capacité unique de parler ? Des chercheurs ont mené une expérience surprenante qui pourrait éclairer cette question : ils ont implanté un gène du langage humain dans des souris et les résultats sont fascinants.
Le gène du langage NOVA1 et la communication vocale
Les chercheurs savent depuis longtemps que les animaux utilisent des sons pour communiquer entre eux. Les souris émettent par exemple des couinements ultrasoniques pour appeler leur mère, attirer un partenaire ou signaler un danger. Bien qu’efficaces, ces vocalisations restent relativement simples et ne se comparent évidemment pas au langage humain. Cependant, certains gènes sont impliqués dans la production de ces sons et l’un d’entre eux, le gène NOVA1, a particulièrement retenu l’attention des scientifiques.
Il est présent chez de nombreux animaux, des oiseaux aux mammifères. Toutefois, chez les humains, il est légèrement modifié. Cette variante humaine pourrait jouer un rôle crucial dans notre capacité à produire des sons complexes. Les chercheurs ont donc décidé de tester si la version humaine de ce gène pouvait influencer la vocalisation chez des rongeurs pour mieux comprendre comment le langage a pu évoluer.
L’expérience sur les souris
Dans le cadre de cette expérience menée par l’Université Rockefeller, les scientifiques ont introduit la version humaine du gène NOVA1 dans l’ADN de plusieurs spécimens. Une fois modifiées, les souris ont commencé à produire des vocalisations différentes de celles de leurs congénères non modifiées.
Dès leur plus jeune âge, les souriceaux génétiquement modifiés ont montré des couinements plus aigus et plus variés que les souris classiques. Ces différences étaient particulièrement notables lorsqu’ils appelaient leur mère. En effet, l’équipe a constaté que les sons émis par les souris modifiées suivaient un schéma distinct comportant des « lettres » de sons qui ne se retrouvaient pas chez les souris sauvages. Par exemple, certaines « lettres » de leur vocalisation avaient changé, une découverte qui a intrigué les chercheurs en linguistique.
Les changements ne se sont pas arrêtés là. À l’âge adulte, les mâles génétiquement modifiés ont également modifié leur comportement vocal dans un contexte social. Lors de l’interaction avec des femelles, les mâles ont produit des cris plus complexes, probablement dans le but d’attirer une partenaire. Ces vocalisations plus sophistiquées suggèrent que le gène NOVA1 humain a un impact significatif sur la manière dont ces animaux communiquent.

Pourquoi ces résultats sont-ils importants ?
Ce qui rend cette expérience particulièrement fascinante, c’est ce qu’elle implique pour la compréhension de l’évolution du langage humain. Le gène NOVA1 chez les souris modifiées a donné lieu à des vocalisations plus complexes, semblables à celles que l’on observe chez des animaux dotés de capacités de communication plus avancées. Toutefois, le fait que ces changements se produisent après l’introduction d’un simple gène humain rend ces recherches vraiment marquantes.
Les chercheurs ont suggéré que cette modification génétique pourrait apporter un éclairage nouveau sur l’évolution du langage chez Homo sapiens. En effet, l’implantation de ce gène chez des souris a montré qu’une petite variation génétique pouvait avoir un grand impact sur la communication vocale. Cela pourrait signifier que l’un des facteurs qui ont permis aux humains de développer un langage plus complexe est la présence de cette variante du gène NOVA1.
L’étude, publiée dans Nature Communications, va encore plus loin en suggérant que cette variante génétique spécifique à Homo sapiens aurait pu jouer un rôle majeur dans la différenciation de notre espèce par rapport aux autres hominidés, tels que les Néandertaliens et les Dénisoviens. Ces derniers ne possédaient pas la même variante génétique que nous, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils n’ont pas développé un langage aussi sophistiqué que celui des humains modernes.