Il y a environ 252 millions d’années, la Terre essuyait l’une des extinctions les plus dévastatrices de son histoire : celle de la fin du Permien. Cette crise biologique, qui aura anéanti plus de 80 % des espèces marines, a également profondément bouleversé la vie terrestre, mais dans quelle mesure ? Une étude récente remet en question l’idée largement répandue selon laquelle les écosystèmes terrestres ont subi une dévastation totale similaire à celle des océans. Des chercheurs ont en effet découvert un refuge végétal en Chine qui a permis à la vie terrestre de survivre et de se rétablir plus rapidement qu’on ne le pensait.
L’extinction de la fin du Permien : un cataclysme planétaire
L’extinction de la fin du Permien, survenue il y a environ 252 millions d’années, est considérée comme l’événement le plus dévastateur de l’histoire de la Terre avec l’anéantissement d’environ 80 % des espèces marines et plus de 70 % des formes de vie terrestres. Ce cataclysme planétaire aurait été provoqué par des éruptions volcaniques massives en Sibérie connues sous le nom de traps du Permien qui ont libéré d’énormes quantités de gaz à effet de serre, notamment du dioxyde de carbone et du méthane.
Ces émissions auraient alors provoqué un réchauffement climatique brutal, accompagné de pluies acides, d’incendies forestiers à grande échelle et d’une diminution drastique de l’oxygène dans l’atmosphère, rendant l’environnement presque invivable pour de nombreuses espèces. Cependant, en dépit de la violence de cet événement, certaines régions de la planète semblent avoir été moins touchées par ce bouleversement.
Une oasis de vie en Chine
Sous la direction du professeur Liu Feng, une équipe de chercheurs de l’Institut de géologie et de paléontologie de Nanjing (NIGPAS) a récemment mis en lumière l’existence d’une oasis de vie dans le bassin de Turpan-Hami, dans le Xinjiang, Chine. Située à proximité de l’activité volcanique intense de l’époque, cette région a paradoxalement servi de refuge pour des communautés végétales terrestres pendant l’extinction massive de la fin du Permien.
En analysant des fossiles de pollens et de spores extraits des strates géologiques bien préservées de la section sud de Taodonggou, les chercheurs ont pu retracer l’histoire d’une végétation locale composée principalement de fougères et de conifères. Les techniques de datation avancées ont alors montré que cette végétation a prospéré de manière continue bien avant, pendant et après l’extinction.
Les résultats obtenus ont été particulièrement surprenants. Alors que la biodiversité marine a subi un effondrement quasi total, la végétation terrestre dans cette région a révélé une résilience remarquable. Le taux d’extinction des espèces végétales y a été limité à seulement 21 %, ce qui est bien inférieur aux pertes catastrophiques observées dans les écosystèmes marins. Si certaines espèces ont disparu localement, une majorité a survécu, permettant ainsi à l’écosystème de demeurer relativement stable durant cette période de crise globale.
L’étude a également permis de confirmer que les fossiles découverts, notamment des troncs d’arbres intacts et des tiges de fougères, provenaient bien de la région et non de végétaux transportés par le vent ou l’eau. Ce constat a été crucial pour valider l’hypothèse d’un refuge où les conditions environnementales locales ont permis à la vie de persister malgré l’ampleur du cataclysme.
Un retour rapide de la biodiversité à l’époque en Chine
L’importance de cette découverte en Chine ne réside pas seulement dans la résilience de la végétation pendant l’extinction, mais aussi dans la rapidité avec laquelle l’écosystème local a rebondi après la fin de la crise. À peine 75 000 ans après l’extinction, des fossiles de tétrapodes, comme le Lystrosaurus herbivore et des Chroniosuchiens carnivores, ont en effet été découverts dans la région, ce qui prouve que la faune a également retrouvé sa diversité rapidement.
Ce retour rapide à un réseau trophique complexe a été bien plus rapide que ce que les scientifiques pensaient initialement. En effet, des recherches antérieures suggéraient que la récupération des écosystèmes après l’extinction du Permien aurait pris plus d’un million d’années. Toutefois, l’étude menée par l’équipe du professeur Liu Feng suggère que le rétablissement écologique a été plus de dix fois plus rapide dans cette région grâce à l’existence de ce refuge de vie.
Un autre facteur crucial qui a permis à la région de résister à la crise a été le climat local. Le bassin de Turpan-Hami, bien qu’à proximité des zones volcaniques, bénéficiait en effet d’un climat stable et semi-humide. Selon les analyses des paléosols, la région recevait environ 1 000 mm de précipitations annuelles, ce qui offrait un environnement plus favorable à la végétation que d’autres régions plus arides ou plus exposées aux effets volcaniques. Cette stabilité climatique aurait alors permis à la végétation de prospérer et a offert un environnement propice à la survie des espèces animales migratrices.
Une leçon pour la conservation actuelle
Cette découverte offre une nouvelle perspective sur la résilience écologique face à des catastrophes globales. Elle montre que, même dans des périodes de crise extrême, certains écosystèmes peuvent survivre et récupérer rapidement si les conditions locales sont favorables. À une époque où la Terre est confrontée à des menaces environnementales telles que le changement climatique et la perte de biodiversité, cette étude met en lumière l’importance de protéger les poches de résilience, des zones qui peuvent jouer un rôle clé dans la préservation de la biodiversité mondiale.
