Les courants océaniques de bord ouest que sont le Kuroshio et le Gulf Stream ne sont pas indépendants. Ils sont même fortement liés, du moins à l’échelle décennale où un phénomène de synchronisation se produit. Ce sont là les résultats obtenus par une équipe de chercheurs japonais, publiés ce 15 octobre dans la revue Science.
Cousin pacifique de l’illustre Gulf Stream, le Kuroshio est un courant chaud de bord ouest qui flue depuis la mer de Chine méridionale au sud-ouest du Japon et qui termine sa course à une latitude avoisinant 40 °N. Il y rencontre un courant plus froid d’origine polaire connu sous le nom d’Oyashio, à l’image du courant du Labrador dans l’Atlantique nord.
La covariance des deux courants océaniques mise au grand jour
Le Gulf Stream et le Kuroshio participent aux dépressions des latitudes tempérées. En effet, l’apport de chaleur et le contraste thermique qu’ils organisent sur la partie occidentale des océans fournissent le carburant nécessaire au maintien et au creusement d’intenses tourbillons cycloniques. Plus globalement, ils influencent la météorologie et le climat de tout l’hémisphère nord en modulant le transport d’énergie des tropiques vers le pôle.
Or, selon une nouvelle étude, ces deux courants de surface seraient synchronisés à l’échelle décennale. Autrement dit, les fluctuations de l’un affecteraient celles de l’autre et réciproquement. C’est un peu comme si les deux compères formaient un seul et même système, analogue au phénomène de synchronisation des pendules (voir le schéma ci-après). Les chercheurs ont obtenu ces résultats après avoir étudié plusieurs décennies de données satellitaires et testé l’hypothèse dans des modèles à basse comme à haute résolution.

Le courant-jet atmosphérique, un rôle de messager
Comment la transmission de l’information se produit-elle ? Les chercheurs expliquent dans leur papier que c’est le courant-jet qui se charge de transporter le signal. Lorsque le Kuroshio monte ou descend en latitude, la zone de formation des dépressions évolue en parallèle et réoriente l’énergie du jet vers le nord ou le sud. S’écoulant d’ouest en est, ce dernier transporte ensuite l’énergie vers l’Amérique du Nord, puis l’Atlantique où c’est cette fois-ci l’atmosphère qui va forcer l’océan.
Le Gulf Stream répond alors au forçage atmosphérique et se réajuste lui aussi. Il en résulte finalement un certain degré de synchronisation entre les deux courants. Comme les processus en jeu demandent un certain temps, en particulier en raison des distances impliquées et de l’inertie associée à l’océan, le mécanisme de couplage air-mer entre les bassins s’articule sur une échelle d’une dizaine d’années. On observe alors des anomalies de température qui tendent à évoluer en phase.
« Ce couplage peut aider à expliquer des événements climatiques tels que l’été anormalement chaud de 2018 dans les extratropiques de l’hémisphère nord », indique l’étude dans son résumé.