L’idée de voir revenir les mammouths laineux, ces géants préhistoriques disparus il y a environ 4 000 ans, semble tout droit sortie d’un film de science-fiction. Pourtant, un projet ambitieux porté par la société de biotechnologie Colossal Biosciences se rapproche de ce rêve. Le 4 mars 2025, Colossal a en effet annoncé la création de souris génétiquement modifiées qui arborent une fourrure aussi épaisse que celle des mammouths laineux. Ce développement marque une avancée majeure dans le projet de réintroduction de ces animaux, un objectif que la société espère atteindre d’ici 2028.
Pourquoi ramener les mammouths ?
La réintroduction des mammouths laineux ne se limite pas à un simple projet scientifique pour ressusciter une espèce disparue, mais repose sur un objectif beaucoup plus ambitieux : restaurer l’équilibre écologique d’anciennes terres et potentiellement lutter contre le réchauffement climatique. Les mammouths laineux, ces gigantesques herbivores, jouaient en effet un rôle essentiel dans la régulation des steppes glaciales d’autrefois. Leur présence contribuait à maintenir un écosystème stable en broutant la végétation dense et en empêchant la prolifération des arbres dans ces régions. En régulant la croissance des plantes ligneuses, ils ont permis de conserver des prairies herbeuses étendues qui jouaient un rôle clé dans la séquestration du carbone.
Un autre aspect fondamental de leur impact écologique était leur capacité à perturber le sol. En broutant et en piétinant le sol, les mammouths aidaient à maintenir une couverture herbacée faible et à exposer le sol au froid. Cela empêchait la libération de grandes quantités de méthane et de dioxyde de carbone, des gaz à effet de serre stockés dans le permafrost, lorsque ce dernier se réchauffe. Les changements climatiques actuels provoquent son dégel accéléré, ce qui libère ces gaz et amplifie le réchauffement climatique. En réintroduisant des mammouths laineux, les scientifiques espèrent restaurer leur rôle écologique et stabiliser ces terres, ce qui contribuerait ainsi à ralentir ce phénomène de libération de gaz à effet de serre.
En somme, la réintroduction des mammouths laineux pourrait aller bien au-delà d’une simple résurrection d’une espèce disparue. Elle pourrait être un moyen de restaurer un écosystème préhistorique capable d’intervenir directement sur les enjeux climatiques modernes.
Un test chez la souris
Avant de se lancer dans la création de mammouths, les scientifiques ont opté pour un modèle plus simple et plus rapide à manipuler : les souris. Pourquoi ce choix ? En fait, les souris ont un cycle de reproduction rapide, ce qui permet de tester des modifications génétiques sur plusieurs générations en peu de temps, contrairement aux éléphants qui ont une gestation de vingt-deux mois. Ainsi, récemment, des chercheurs de la société de biotechnologie Colossal Biosciences ont modifié génétiquement plusieurs souris pour leur donner une fourrure plus épaisse et plus longue, similaire à celle des mammouths laineux.
En modifiant sept gènes chez les souris, les scientifiques ont réussi à tripler la longueur de leur fourrure en introduisant des caractéristiques proches de celles des mammouths. Cela a permis d’obtenir des poils plus longs, plus ondulés et plus denses, reproduisant les traits caractéristiques de la fourrure épaisse des mammouths laineux. Cette expérience constitue un premier test avant de s’attaquer à des modifications génétiques plus complexes.
Cependant, au lieu d’introduire des gènes directement issus des mammouths dans les souris, les chercheurs ont exploré les variantes génétiques déjà présentes chez ces rongeurs, susceptibles de jouer un rôle similaire à ceux des mammouths. Par exemple, ils ont modifié le gène FGF-5, qui contrôle la longueur des poils, pour obtenir une fourrure bien plus longue que celle des souris classiques. D’autres gènes liés à la kératine et à la texture des poils ont également été ajustés pour créer une fourrure plus proche de celle des mammouths laineux.
Pour réaliser ces modifications, les chercheurs ont utilisé des techniques avancées d’édition génétique, telles que l’édition de génome de précision multiplex. Cette méthode permet de modifier plusieurs sites d’ADN simultanément avec une grande précision. Grâce à cette technologie, ils ont pu créer des souris qui présentent plusieurs modifications génétiques, ce qui résulte en des caractéristiques de fourrure spécifiques et proches de celles des mammouths.


Les défis scientifiques et éthiques
Les scientifiques testeront bientôt si ces souris laineuses peuvent supporter des conditions de froid extrême, semblables à celles des mammouths dans les steppes glacées. Cela permettrait d’évaluer si les modifications génétiques apportées influencent leur capacité à survivre dans des températures glaciales.
Une fois ces modifications validées sur les souris, elles seront appliquées aux éléphants d’Asie qui sont considérés comme les plus proches parents vivants des mammouths. Cependant, de nombreux défis scientifiques demeurent. L’un des obstacles majeurs réside dans la différence de densité de poils entre ces animaux. Les éléphants possèdent en effet une fourrure très clairsemée, bien inférieure à celle des mammouths laineux, ce qui rendra difficile l’augmentation de la densité des poils. Les chercheurs devront donc réaliser de nombreuses modifications génétiques supplémentaires pour produire une fourrure aussi dense que celle des mammouths laineux.
Au-delà des défis techniques, des questions éthiques soulèvent des inquiétudes. Faut-il vraiment ressusciter des espèces disparues, même pour des raisons écologiques? Bien que la réintroduction des mammouths laineux puisse jouer un rôle dans la régulation des écosystèmes et aider à lutter contre le réchauffement climatique, il existe aussi des risques de perturbation des écosystèmes actuels. Par ailleurs, la manipulation génétique d’animaux soulève des préoccupations éthiques sur leur bien-être et les conséquences imprévues de telles modifications.
Malgré ces interrogations, les chercheurs de Colossal Biosciences espèrent que les résultats obtenus avec les souris, puis les éléphants leur permettront de surmonter les obstacles techniques pour créer un mammouth d’ici 2028.