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Ces capteurs financés par la NASA pourraient tester la gravité quantique

Ces capteurs financés par la NASA pourraient tester la gravité quantique

  • vendredi 14 mars 2025
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L’un des défis majeurs de la physique moderne reste l’incompatibilité entre deux théories fondamentales : la relativité générale et la mécanique quantique. Si la première explique parfaitement la gravité à grande échelle, la seconde régit le monde des particules subatomiques. Pourtant, ces deux théories ne parviennent pas à coexister de manière harmonieuse lorsqu’il s’agit de décrire la gravité au niveau quantique. Un projet innovant financé par la NASA vise à lever le voile sur ce mystère grâce à des capteurs d’enchevêtrement.


Un vieux défi scientifique : l’écart entre relativité et mécanique quantique

Depuis des décennies, les scientifiques cherchent à résoudre une grande énigme : comment concilier deux théories majeures de la physique qui, bien qu’elles soient chacune efficaces dans leur domaine, semblent incompatibles lorsqu’on tente de les appliquer ensemble.

D’un côté, il y a la relativité générale, formulée par Einstein, qui explique la gravité. Selon cette théorie, la gravité n’est pas une force comme on l’imagine souvent, mais plutôt une déformation de l’espace et du temps créée par la présence de masses comme la Terre ou le Soleil. Cette déformation fait que les objets suivent des trajectoires courbes. C’est ce que nous ressentons comme la « gravité ». Elle fonctionne très bien pour décrire de grandes échelles, comme les planètes et les étoiles.

De l’autre côté, la mécanique quantique régit le monde des particules extrêmement petites, comme les atomes et les électrons. À cette échelle, les règles sont très différentes et la mécanique quantique réussit à décrire des phénomènes que la relativité générale ne peut pas expliquer.


Le problème survient lorsque l’on essaie d’appliquer ces deux théories dans des situations extrêmes, comme à l’intérieur des trous noirs ou juste après le Big Bang. Là, la relativité et la mécanique quantique entrent en conflit. C’est un peu comme si deux lois différentes se superposaient sans pouvoir coexister.

Un concept clé dans cette recherche est le principe d’équivalence. Selon ce principe, la gravité et l’accélération devraient être la même chose : si vous êtes dans un ascenseur en chute libre, vous ne sentiriez pas la gravité, comme si vous flottiez dans l’espace. Ce principe est fondamental pour la relativité générale. Cependant, certaines théories suggèrent qu’à une échelle très petite, la gravité pourrait se comporter différemment de ce que nous imaginons habituellement. C’est là qu’intervient une mesure appelée paramètre d’Eötvös qui sert à comparer la façon dont la gravité et l’inertie (la résistance à l’accélération) se comportent. Si ce paramètre montre une différence, cela pourrait signifier que la gravité se comporte d’une manière nouvelle, selon les principes de la mécanique quantique.

gravité quantique
Crédits : peterschreiber.media/istock

Une expérience révolutionnaire : le projet SUPREME-GQ

Afin de tester l’hypothèse selon laquelle la gravité pourrait se comporter différemment à des échelles quantiques, le Dr Selim Shahriar de l’Université Northwestern a lancé un projet ambitieux financé par la NASA. Ce projet, appelé SUPREME-GQ, vise à tester la gravité quantique avec une précision qui n’a jamais été atteinte auparavant. L’objectif principal ? Mesurer les différences entre la masse gravitationnelle et la masse inertielle avec une précision d’environ 10^-20, un niveau mille fois plus fin que les précédentes expériences, telles que la mission MICROSCOPE, qui avait atteint une précision de 10^-15.


La grande innovation du projet SUPREME-GQ repose sur l’utilisation de capteurs d’enchevêtrement quantique dans l’espace. Ces capteurs utilisent des phénomènes de la mécanique quantique pour effectuer des mesures d’une précision extrême en se basant sur des interféromètres atomiques. Ces appareils fonctionnent en divisant un faisceau d’atomes en plusieurs trajectoires, puis en les recomposant pour détecter les très petites différences entre ces trajectoires.

L’intrication quantique : une clé pour mesurer la gravité quantique

Au cœur de cette technologie se trouve un phénomène fascinant de la mécanique quantique : l’intrication quantique. Elle signifie que deux particules peuvent être liées de manière à ce que l’état de l’une dépende instantanément de l’état de l’autre, même si elles sont séparées par des distances énormes. Dans l’expérience SUPREME-GQ, le Dr Shahriar et son équipe prévoient d’utiliser des atomes de rubidium. Ces atomes seront divisés en plusieurs trajectoires et intriqués, ce qui permettra de mesurer les plus infimes écarts dans la force gravitationnelle.

Imaginez un peu l’expérience du chat de Schrödinger : c’est une théorie où un chat est simultanément vivant et mort, mais cela ne devient réel que lorsqu’on observe le chat. De manière similaire, dans l’expérience SUPREME-GQ, les atomes intriqués peuvent exister dans plusieurs états à la fois et seules les mesures effectuées sur eux révéleront des anomalies dans la force gravitationnelle.


Le défi majeur de cette expérience est de maintenir cet état d’intrication pendant suffisamment longtemps pour réaliser des mesures précises. C’est ici qu’entre en jeu une autre innovation du projet : le protocole de compression d’écho généralisée. Ce protocole permettrait de maintenir l’intrication quantique pendant plusieurs minutes, voire plus longtemps, ce qui serait un véritable exploit en physique quantique.

Vers une précision sans précédent : les applications possibles

Si cette expérience aboutit, elle pourrait permettre de mesurer des déviations dans le paramètre d’Eötvös à des niveaux de précision jamais imaginés, ce qui offrirait ainsi une réponse définitive à la question de la compatibilité entre la relativité générale et la gravité quantique.

Toutefois, l’impact de cette technologie ne s’arrête pas là. En dehors des recherches fondamentales sur la gravité quantique, les interféromètres atomiques pourraient avoir des applications pratiques sur Terre. En effet, ces capteurs ultra-précis pourraient révolutionner des secteurs comme la navigation spatiale, les systèmes de positionnement géographique et même les technologies de navigation dans les véhicules terrestres. Si ces capteurs sont rendus accessibles et fonctionnels, ils pourraient être utilisés pour des systèmes de guidage beaucoup plus précis que ceux que nous utilisons aujourd’hui.

Naturellement, il reste encore de nombreux défis à relever. Le projet est encore en phase de développement et l’application de la technologie quantique dans l’espace pose de nombreux obstacles techniques. Cependant, les recherches du Dr Shahriar et de son équipe sont un phare d’espoir dans la quête pour résoudre l’une des questions les plus fascinantes et importantes de la science moderne.

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