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Ce que le fossile emblématique de Lucy révèle sur son dernier jour

Ce que le fossile emblématique de Lucy révèle sur son dernier jour

  • jeudi 21 novembre 2024
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En novembre 1974, une découverte majeure en Éthiopie bouleverse notre compréhension des origines humaines : les restes fossilisés d’une jeune femme, surnommée Lucy, sont mis au jour par une équipe dirigée par le paléoanthropologue Donald Johanson. Ce squelette, qui date de 3,2 millions d’années, est l’un des plus complets jamais découverts d’une espèce humaine ancienne, l’Australopithecus afarensis. Depuis, Lucy est devenue une icône de la science. Mais au-delà de son importance pour l’étude de l’évolution, que savons-nous des derniers instants de sa vie ? Grâce aux découvertes des chercheurs, nous pouvons aujourd’hui esquisser le tableau fascinant et tragique de son ultime journée.


Un quotidien périlleux dans la savane

La savane d’Éthiopie, il y a 3,2 millions d’années, était un environnement exigeant et imprévisible. Outre les prédateurs, comme les grands félins et les crocodiles, Lucy devait également faire face aux dangers d’un climat fluctuant qui alternait périodes de sécheresse et précipitations violentes. Ces conditions extrêmes forçaient les Australopithecus afarensis à s’adapter constamment en trouvant des sources d’eau et de nourriture variées.

Sa petite taille, bien que limitant ses chances de défense physique, lui permettait une certaine agilité, précieuse pour échapper aux prédateurs ou grimper rapidement aux arbres. Ces refuges arboricoles étaient essentiels, notamment lors des nuits où le sol devenait particulièrement dangereux.

De plus, son anatomie révèle un compromis fascinant entre la bipédie et les capacités arboricoles. En marchant sur deux jambes, Lucy pouvait en effet surveiller son environnement à hauteur d’œil et parcourir de longues distances à la recherche de nourriture, un avantage dans des habitats variés. Toutefois, son habilité à grimper témoignait aussi de l’importance des arbres comme sanctuaires et sources de nourriture.


Lucy
Donald Johanson avec le squelette de Lucy en 1975. Crédits : Institute of Human Origins, Université d’État de l’Arizona

Une vie sociale et familiale rudimentaire

Les communautés d’Australopithecus afarensis fonctionnaient selon des schémas sociaux qui, bien que rudimentaires comparés à ceux des humains modernes, étaient probablement essentiels à leur survie. La taille relativement réduite de ces groupes permettait un équilibre entre protection et mobilité. Une trop grande communauté aurait effectivement été difficile à nourrir alors qu’un groupe trop petit aurait augmenté les risques face aux prédateurs.

Lucy aurait peut-être établi des liens étroits avec certains membres de son groupe comme les femelles parentes ou alliées. Des comportements sociaux, tels que le toilettage ou le partage occasionnel de nourriture, bien que difficiles à prouver pour son espèce, sont par ailleurs suggérés par des observations de primates modernes. Ces interactions pourraient ainsi refléter les premiers signes d’une coopération sociale plus avancée.

Les jeunes devaient occuper une place centrale dans la vie du groupe. Si Lucy avait un enfant, elle aurait probablement bénéficié d’une aide communautaire occasionnelle, un précurseur potentiel des systèmes d’entraide qui caractérisent plus tard les hominidés. La faible différence de taille entre mâles et femelles, relativement rare chez les primates, pourrait en outre indiquer une organisation sociale plus égalitaire qu’attendu.


Lucy
Comparaison des squelettes de Lucy (à gauche), d’un chimpanzé (au centre) et d’un humain moderne (à droite). Crédits : eLucy.org
australopithèques
Une illustration d’australopithèques marchant dans la cendre humide à Laetoli en Tanzanie. Crédits : Michael Hagelberg

Une mort au bord de l’eau ?

Deux théories principales tentent d’expliquer les circonstances de sa mort. La première, avancée par Donald Johanson, suggère que Lucy aurait été attaquée par un grand prédateur. Elle aurait ainsi commencé son dernier jour comme les autres en se réveillant probablement dans un nid de branches construit dans un arbre. Après une nuit à l’abri des prédateurs nocturnes, elle serait descendue pour rejoindre les membres de son groupe et partir en quête de nourriture. On imagine qu’elle a pu se retrouver seule ou en petit groupe alors qu’elle s’approchait des rives d’un lac ou d’une rivière pour boire ou explorer les environs. Lucy aurait alors été attaquée par un crocodile. Une marque de dent sur son bassin, non cicatrisée, indique en effet une blessure infligée juste avant ou après sa mort, peut-être par un animal en quête de proies.

La seconde théorie, développée en 2016, propose néanmoins une fin différente : une chute depuis un arbre. Des fractures observées sur son épaule, ses côtes et ses genoux témoignent en effet d’un impact violent compatible avec une chute d’une hauteur considérable. Peut-être que fatiguée après une journée éprouvante, Lucy s’était-elle assoupie sur une branche et aurait perdu son équilibre. Les arbres étaient effectivement à la fois des refuges et des lieux de risque. Une chute fatale de cette hauteur aurait alors entraîné une agonie brève, mais intense.

Lucy
Une vue de Hadar, en Éthiopie, près de l’endroit où Lucy a été retrouvée. Crédits : Institute of Human Origins, Université d’État de l’Arizona.

La solitude des derniers instants

Dans les moments qui ont suivi sa blessure ou sa chute, Lucy aurait été dans une situation désespérée. Son isolement apparent pourrait refléter une séparation temporaire d’avec son groupe, peut-être lors d’une exploration solitaire ou en petit comité. Une autre possibilité est qu’elle ait été laissée seule après son accident, son état empêchant ses congénères de rester à ses côtés plus longtemps.


Les comportements des primates modernes offrent des parallèles intrigants. Chez les chimpanzés, par exemple, les membres d’un groupe examinent souvent un congénère mourant ou décédé en manifestant des gestes d’attention qui suggèrent une compréhension primitive de la mort. Chez Lucy et les siens, de tels comportements pourraient avoir existé, bien qu’ils aient été limités par une priorité à la survie collective.

Si son groupe l’avait abandonnée, ce choix aurait été pragmatique, dicté par les lois implacables de la sélection naturelle. Pourtant, la simple idée que ses congénères aient pu observer sa mort, même brièvement, ajoute une dimension poignante à cette scène finale.

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