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Bon, il faut qu’on parle de ces soi-disant preuves de vie sur K2-18b

Bon, il faut qu’on parle de ces soi-disant preuves de vie sur K2-18b

  • mardi 22 avril 2025
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Depuis quelques jours, l’exoplanète K2-18b est revenue sous les projecteurs. Une publication scientifique a relancé l’engouement autour de cette super-Terre/mini-Neptune située à 124 années-lumière de nous, dans la constellation du Lion. La raison ? La possible détection de molécules qui, sur Terre, sont liées à la vie. Mais avant de crier à la découverte historique, prenons un moment pour analyser à froid ce qui a réellement été observé, et surtout ce qui ne l’a pas été.


K2-18b, un monde atypique

K2-18b, découverte en 2015 par le télescope spatial Kepler, se trouve à environ 124 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Lion. Cette exoplanète orbite autour d’une naine rouge, une étoile beaucoup plus petite et moins brillante que notre Soleil.

Ce qui la distingue de nombreuses autres exoplanètes, c’est sa position dans la zone habitable de son étoile, un emplacement crucial où l’eau liquide pourrait théoriquement exister à sa surface – un facteur essentiel pour envisager la vie.

K2-18b est une planète super-Terre, avec un rayon environ 2,6 fois plus grand que celui de la Terre et une masse 8,6 fois plus élevée. Cela suggère qu’elle pourrait être composée d’un noyau rocheux entouré de couches épaisses de gaz, principalement de l’hydrogène, ce qui la rapproche des planètes comme Neptune.


Certains scientifiques ont envisagé qu’il pourrait s’agir d’un “monde hycéen”, c’est-à-dire une planète avec un océan global sous une atmosphère dense et riche en hydrogène, et qui pourrait théoriquement soutenir la vie. Cependant, il est important de souligner que cette hypothèse reste hautement spéculative. Il n’y a en effet aucune certitude quant à la composition exacte de l’atmosphère ou si la température et la pression sont compatibles avec la vie.

En outre, les mécanismes précis qui pourraient permettre à de l’eau liquide d’exister à la surface sont encore mal compris, en particulier étant donné l’absence de données directes sur la structure interne de la planète. Bref, K2-18b, bien que prometteuse, est encore un sujet de recherche fascinant mais incertain.

K2-18b
Le monde « dimensionné » le plus courant dans la galaxie est une super-Terre, dont la masse varie de 2 à 10 fois celle de la Terre, comme Kepler 452b, illustrée à droite. Crédit : NASA/JPL-Caltech/T. Pyle

Les molécules en question : DMS et DMDS

En septembre 2023, une équipe dirigée par Nikku Madhusudhan (Université de Cambridge) a annoncé, grâce aux observations du télescope spatial James Webb (JWST), avoir détecté la présence de sulfure de diméthyle (DMS) et de disulfure de diméthyle (DMDS) dans l’atmosphère de K2-18b. Ces molécules sont associées à la vie sur Terre, car elles sont produites par des organismes vivants, principalement du phytoplancton, dans des environnements marins. Le DMS, en particulier, est un gaz que les scientifiques considèrent parfois comme une biosignature, c’est-à-dire un indice que des processus biologiques pourraient être en cours. Cette annonce a donc immédiatement suscité un grand intérêt dans la communauté scientifique et parmi les passionnés d’astronomie.


Cependant, plusieurs éléments incitent à la prudence. La détection du DMS et du DMDS repose en effet sur un signal très faible, d’une signifiance statistique de 1 sigma, ce qui signifie que la probabilité que ce signal soit dû au hasard est relativement élevée. En d’autres termes, cette détection n’est pas suffisamment robuste pour en tirer des conclusions solides. Pour que les scientifiques puissent faire une affirmation significative, il faudrait que la détection atteigne au moins 3 sigma, un seuil souvent utilisé en astrophysique pour garantir la fiabilité des résultats.

De plus, les molécules détectées peuvent aussi être formées par des processus abiotiques, c’est-à-dire sans l’intervention de la vie. Il est donc prématuré de considérer ces résultats comme une preuve formelle de vie sur K2-18b, même si les implications restent fascinantes.

Un modèle biaisé et incomplet

L’un des points les plus discutés concernant cette découverte est le modèle atmosphérique utilisé par l’équipe de Madhusudhan pour analyser les données du JWST.


Ce modèle se concentre sur un nombre limité de molécules, notamment l’hydrogène, l’eau, le méthane et le dioxyde de carbone, en les associant au DMS. Mais cette approche est biaisée : elle a été contrainte par l’hypothèse que l’atmosphère de K2-18b est essentiellement composée d’hydrogène et d’hélium, des gaz légers, avec quelques autres traces. De ce fait, si l’on ne cherche que certaines molécules spécifiques, comme le DMS, il devient plus facile de détecter ce que l’on veut voir, même si d’autres explications pourraient être possibles.

En effet, le modèle ne prend pas en compte plusieurs variables essentielles, comme la présence d’une atmosphère dense à base de gaz autres que l’hydrogène ou la possibilité d’une planète recouverte d’un océan de magma. Ces facteurs auraient pu influencer le spectre lumineux observé et conduire à une interprétation différente des données.

Si l’atmosphère de K2-18b est composée de gaz volcaniques ou de composés issus de réactions chimiques abiotiques, par exemple, alors la détection du DMS pourrait tout simplement être le résultat d’un processus géochimique plutôt que biologique. Il est donc crucial de prendre en compte cette limitation méthodologique et d’attendre des données plus complètes et des modèles plus robustes avant de faire des affirmations hâtives.

K2-18b
Bien que le spectre du JWST soit compatible avec le DMS et/ou le DMDS, la « significativité » du 3-sigma n’a été obtenue que parce que toutes les autres espèces gazeuses susceptibles de présenter une forte absorption à partir de 9 microns ont été exclues de l’analyse. D’autres scénarios tout à fait envisageables doivent également être pris en compte. Crédit : N. Madhusudhan et al., Astrophysical Journal Letters, 2025

DMS → vie ? Pas si vite

Comme dit précédemment, il est également essentiel de se rappeler que le DMS et le DMDS, bien qu’associés à des processus biologiques sur Terre, ne sont pas nécessairement des preuves de vie extraterrestre. En effet, ces composés peuvent être formés par des réactions abiotiques dans des conditions environnementales extrêmes. Par exemple, des traces de DMS ont été trouvées dans des nuages de gaz autour de comètes ou dans des environnements géothermiques tels que des volcans ou des fumeurs noirs sous-marins. Ce fait démontre que ces molécules peuvent apparaître en l’absence de vie.

Dans le cadre de K2-18b, il est donc important de nuancer les conclusions hâtives. Bien que la présence de DMS puisse effectivement indiquer un environnement riche en soufre, il ne faut pas en conclure que ce gaz provient nécessairement de formes de vie. Il peut tout aussi bien être produit par des réactions chimiques complexes impliquant des éléments comme le soufre et l’hydrogène, qui sont abondants dans l’atmosphère de la planète.

L’importance de la rigueur scientifique

Cette affaire met en lumière un problème récurrent : la tentation de tirer des conclusions hâtives pour créer le buzz. Et ça fonctionne, puisque beaucoup de médias, nous y compris, ont sauté sur l’occasion. Or, en science, surtout dans un domaine aussi complexe et incertain que la détection de vie extraterrestre, il faut être extrêmement prudent. Les fausses annonces érodent la confiance du public et nuisent à la crédibilité des recherches légitimes.

Le télescope JWST nous ouvre des perspectives fascinantes, mais il faut l’utiliser avec méthode et humilité. La découverte de la vie ailleurs ne se fera pas sur un coup de tête ou un modèle mal calibré. Elle demandera des années de validation, de réplication, et d’observation convergente.

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