(Agence Ecofin) - Depuis 2012, le Cameroun ambitionne de devenir le leader africain de la production de bauxite. Si, à cette époque, les grandes réserves du pays faisaient beaucoup rêver, les échecs successifs subis par l’Etat dans la concrétisation de ce potentiel laissent craindre que cet objectif ne sera peut-être jamais atteint. Pourtant, la situation n’est pas totalement désespérée... L’australien Canyon Resources fait depuis quelques années d’importants progrès dans le développement de la bauxite de Minim Martap, un projet dont les ressources sont de l’ordre du milliard de tonnes. Un potentiel incroyable qui, s’il est concrétisé, peut revitaliser tout le secteur minier camerounais.
Un milliard de tonnes de ressources de bauxite, et peut-être plus
Le 8 octobre dernier, Canyon Resources a publié une mise à jour du potentiel minéral de son projet de bauxite Minim Martap. Selon l’estimation réalisée grâce à des tests métallurgiques et géologiques, le projet hébergerait 1,002 milliard de tonnes de ressources classées presque totalement dans la catégorie « indiquée », considérée comme extrêmement fiable d’après les normes JORC, avec une teneur de 45,2 % en alumine et 2,8 % en silice.
« Le projet est comparable à certains des plus grands projets de bauxite au monde gérés par les grandes entreprises d’aluminium […]. Il est important de noter qu’il existe un important potentiel d’augmentation, car la ressource actuelle ne provient que de 12 plateaux de bauxite et 62 plateaux restent encore à forer », commentait le DG Phillip Gallagher.
« Le projet est comparable à certains des plus grands projets de bauxite au monde gérés par les grandes entreprises d’aluminium »
Selon la société, le potentiel de Minim Martap, déjà impressionnant en l’état, devrait être encore sensiblement révisé à la hausse dans le futur. A l’en croire, l’analyse des cibles restantes devrait porter le potentiel du gisement à environ 2 milliards de tonnes de bauxite, ce qui en ferait « probablement le plus grand gisement du monde, en quantité et qualité ».
Si cela se concrétise, la compagnie pourrait exploiter les ressources sur plusieurs décennies. Il faut souligner que, bien avant la nouvelle évaluation, elle avait déclaré des réserves de minerai de 97,3 millions de tonnes qu’elle comptait exploiter sur une période initiale de 20 ans. Il ne fait pas de doute qu’en convertissant les nouvelles ressources, le tonnage des réserves sera considérablement revu à la hausse.
Une entrée en production prévue pour 2023
Le projet Minim Martap attire les attentions depuis plusieurs années. Les Camerounais ont encore en mémoire le « bluff » de la compagnie minière américaine Hydromine qui avait fait des promesses d’investissement d’environ 5000 milliards de francs CFA, mais qui s’était révélée n’être qu’une start-up sans ressources. Après ce camouflet, il faudra plus de deux ans de négociations pour que les autorités camerounaises acceptent de confier un projet à Canyon Resources.
La région de Martap attire les attentions depuis plusieurs années.
Aujourd’hui, les progrès réalisés par la société laissent penser que le gouvernement a peut-être fait le bon choix. La compagnie prévoit de commencer la production au deuxième semestre 2023.
Aujourd’hui, les progrès réalisés par la société laissent penser que le gouvernement a peut-être fait le bon choix. La compagnie prévoit de commencer la production au deuxième semestre 2023.
Canyon a publié en juillet dernier une étude de préfaisabilité dans laquelle elle table sur une production annuelle de 5 millions de tonnes dans la phase initiale de 20 ans. Le coût en capital est estimé à 120 millions $, avec une valeur actuelle nette de 291 millions $ et un taux de rentabilité interne de 37 %. Ces estimations doivent être améliorées par l’étude de faisabilité définitive en cours et dont la fin est prévue pour le premier semestre 2021. La construction de la mine est censée commencer en 2022.
Avec Canyon Resources, le Cameroun peut enfin espérer amorcer le développement de son secteur minier.
En prévision du démarrage futur de la production, Canyon a conclu, plus tôt ce mois, un protocole d’accord avec l’opérateur ferroviaire du Cameroun, Camrail. Ce dernier doit transporter annuellement 5 millions de tonnes de bauxite de Minim Martap vers le port de Douala. Les discussions se poursuivront en janvier 2021 entre les représentants de Canyon et Camrail, pour affiner ces détails et signer des accords commerciaux contraignants.
Un grand potentiel transformateur
Le Cameroun a la capacité de devenir un des plus grands producteurs de bauxite du continent africain. En effet, en dehors du leader, la Guinée, devenue en 2019 le deuxième producteur sur le plan mondial, les autres pays producteurs d’Afrique ne sont pas nombreux. Le Ghana, la Sierra Leone, ou encore le Mozambique produisent de la bauxite, mais en faibles quantités. Vu les niveaux de production de la Guinée sur ces dernières années, l’Etat camerounais ne peut qu’espérer une place de dauphin.
Ainsi, le projet Minim Martap a un potentiel transformateur important, en cela qu’il peut insuffler à tout le secteur camerounais de la bauxite une dynamique positive. Dans son sillage, d’autres grands gisements peuvent attirer les investisseurs étrangers et être exploités. Le Cameroun a beaucoup à gagner en concrétisant les potentiels de projets comme Ngaoundal et Birsok qui sont pour le moment dans le giron de Canyon Resources. En dehors de ces prospects, on peut également citer des projets comme Madan et Fongo Tongo. Ce dernier situé dans l’Ouest du pays hébergerait 50 millions de tonnes de ressources.
Par ailleurs, commencer par exploiter ses gisements de bauxite permettrait au Cameroun de dynamiser tout le secteur minier dont le potentiel ne fait pas de doute, mais qui souffre de plusieurs maux. Malgré ses énormes richesses de fer, de rutile, de cuivre, d’or, de plomb, d’uranium, de terres rares, de zinc ou encore de diamants, le Cameroun ne tire que peu de recettes des mines.
Malgré ses énormes richesses de fer, de rutile, de cuivre, d’or, de plomb, d’uranium, de terres rares, de zinc ou encore de diamants, le Cameroun ne tire que peu de recettes des mines.
Selon les données de l’Itie, sur les 441,97 milliards FCFA de recettes budgétaires générées par le secteur extractif, les Mines et Carrières n’ont contribué que pour 0,83% pendant que 92% proviennent des Hydrocarbures. Comble de l’incompréhension, alors que le pays produit de l’or et du diamant, le secteur minier n’a contribué qu’à hauteur de 0,11% au PIB nominal, 0,01% à l’exportation et 0,21% à l’emploi.
La bauxite peut booster l’économie camerounaise, le secteur minier encore plus. Pour réaliser ce rêve, le gouvernement sait ce qu’il a à faire, trouver la parade pour guérir le secteur des maux, dont il souffre depuis des années : difficultés à attirer les investisseurs étrangers à la hauteur de l’enjeu, faible contrôle de l'exploitation artisanale, manque d’un véritable cadre formel pour gérer le secteur.
Louis-Nino Kansoun
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