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Bah Ndaw, le civil de circonstance

Bah Ndaw, le civil de circonstance

  • vendredi 25 septembre 2020
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(Agence Ecofin) - Pour calmer l’insistante CEDEAO qui réclamait le retour du pouvoir aux civils, la junte militaire à la tête du Mali a choisi le militaire à la retraite Bah Ndaw. Ancien aide de camp du défunt Moussa Traoré, l’ex-officier de l’Armée de l’air malienne est propulsé sur le devant de la scène, après avoir passé toute sa carrière dans une relative discrétion.


A Bamako, l’air semble un peu moins lourd depuis ce 21 septembre. En effet, pressée par la CEDEAO de passer le pouvoir à un civil, la junte a porté son choix sur Bah Ndaw. La décision a apporté une certaine accalmie avant que les conditions du choix du nouveau président ne jettent un froid sur les débats. En effet, si le choix de Bah Ndaw a fait baisser la pression venue de l’extérieur du pays, sur le territoire malien, la manière dont a été proposée sa candidature dérange. « La junte est arrivée dans la salle avec les deux noms [président et vice-président ; NDLR] et le comité de transition a pris acte », ont rapporté des participants. Au final, la direction que prendra le Mali dépend essentiellement des choix que fera Bah Ndaw – à l’ombre de son tout-puissant vice-président – pendant les 18 mois durant lesquels il est censé diriger la période de transition.


Nouveau civil, ex-militaire discret


La CEDEAO demandait un civil, la junte au pouvoir à Bamako en a trouvé un.


1bah Ndaw2


La CEDEAO demandait un civil.


Bah Ndaw, militaire de 70 ans à la retraite depuis 2012, n’est, techniquement, plus un membre des forces armées. Néanmoins, on peut s’interroger sur la proximité de ce pur produit de l’armée malienne avec la junte.


Au final, la direction que prendra le Mali dépend essentiellement des choix que fera Bah Ndaw – à l’ombre de son tout-puissant vice-président – pendant les 18 mois durant lesquels il est censé diriger la période de transition.


Né le 23 août 1950 à San, dans la région de Ségou, Bah Ndaw entre dans l’armée malienne après son baccalauréat, en 1973. Il y intègre la 7ème promotion de l’Ecole militaire interarmes de Kati. Il complète ensuite sa formation à l’Ecole de Guerre en France, avant de rallier l’Union soviétique, où il effectue un stage de pilote d’hélicoptère.


Il rentre ensuite au Mali où il obtient, en 1978, son diplôme et intègre l’armée de l’air au sein de laquelle il gravit rapidement les échelons. Chef d'état-major de l'aviation, directeur du Génie militaire, chef d'état-major adjoint de la Garde nationale, il devient ensuite l’aide de camp du président Moussa Traoré, mais quitte volontairement son poste en 1990, à cause de désaccords avec la virée dictatoriale du président qui sera renversé l’année suivante.


Il retourne alors parfaire sa formation à l’étranger. En 1994, il est breveté du Collège Interarmées de Défense (Paris). En 2003, il devient le chef d'état-major de l'armée de l'air, mais démissionne dès le 2 avril 2004. Il prend sa retraite en 2012 au grade de colonel-major, dans la discrétion ayant caractérisé l’ensemble de sa carrière. Cette dernière n’est contredite que par le surnom que lui vaut son 1m95 : « le grand ».


Ephémère ministre de la Défense


En 2014, l’armée fait appel à Bah Ndaw et le sort de sa retraite pour diriger les forces armées, en tant que ministre de la Défense du président déchu Ibrahim Boubacar Keïta, à la suite de la défaite de l'armée malienne à Kidal face aux forces de la rébellion touareg. Etonnamment, le colonel-major ne passe que quelques mois à ce poste à cause de désaccords avec le président Ibrahim Boubacar Keïta. Il aurait notamment été contre la réinsertion dans l’armée malienne d’anciens combattants de mouvements dissidents.


Néanmoins, le peu de temps passé au département de la défense suffit pour qu’il se fasse apprécier. Polyglotte, s’exprimant en français, en anglais et en russe, il aurait notamment fait une très bonne impression à ses homologues étrangers durant le temps passé au ministère de la Défense. C’est peut-être pour cette raison que sa nomination a été aussi bien accueillie à l’extérieur du pays.


Polyglotte, s’exprimant en français, en anglais et en russe, il aurait notamment fait une très bonne impression à ses homologues étrangers durant le temps passé au ministère de la Défense. C’est peut-être pour cette raison que sa nomination a été aussi bien accueillie à l’extérieur du pays.


« Nous prenons acte de ces premières nominations qui représentent une première étape encourageante dans le processus de transition au Mali, qui doit mener à la tenue d'élections d'autorités légitimes. D'autres nominations sont attendues et des consultations sont en cours avec les partenaires africains et européens pour en évaluer la portée », a écrit le ministère des Affaires étrangères français dans un communiqué, peu de temps après l’annonce du choix de Bah Ndaw.


2avec Le Drian


Celui qui a été formé en France pourrait être un interlocuteur important pour Paris.


Il faut préciser que ce dernier a déjà travaillé avec les militaires français, déployés depuis 2013 dans le cadre des opérations Serval, puis Barkhane, contre les groupes djihadistes. Alors que le sentiment antifrançais progresse dans le pays, celui qui a été formé en France pourrait être un interlocuteur important pour Paris, mais pourrait aussi bien s’allier à la Russie, qu’il affectionne particulièrement.


Medvedev malien ou homme providentiel ?


Ancien militaire qui aura pour vice-président Assimi Goïta, l’actuel chef de la junte, Bah Ndaw suscite des réactions assez diverses. D’une manière générale, ce n’est pas sa personne qui est remise en cause, « le grand » Bah Ndaw étant toujours très respecté au Mali.


D’une manière générale, ce n’est pas sa personne qui est remise en cause, le grand Bah Ndaw étant toujours très respecté au Mali.


Le problème pourrait résider au niveau de son passé militaire. En effet, depuis plusieurs jours, le Mali est partagé entre deux camps idéologiques. Il y a d’un côté ceux qui estiment que le pouvoir devrait rester aux mains des militaires, et de l’autre ceux qui pensent que le président devrait être un civil. Le choix de Bah Ndaw a tout l’air d’un pis-aller qui arrange bien la junte. On peut effectivement remettre en cause le caractère de civil de Bah Ndaw.


3eneral Ndaw


Peut-être une passerelle entre la junte et la classe politique malienne.


Quelques heures après l’annonce de sa nomination, des personnalités de l’opposition ont fait savoir qu’elles avaient de plus en plus l’impression que la junte militaire souhaiterait faire les choses à sa guise. Un ancien militaire à la retraite, c’est, semble-t-il, juste assez pour faire lever les sanctions de la CEDEAO, tout en gardant un certain contrôle de la situation. Pour beaucoup d’analystes, Bah Ndaw ne serait qu’une marionnette dont Assimi Goïta tirerait en fait les ficelles. Ce n’est pas aussi évident que cela.


Pour beaucoup d’analystes, Bah Ndaw ne serait qu’une marionnette dont Assimi Goïta tirerait en fait les ficelles. Ce n’est pas aussi évident que cela.


Bah Ndaw peut, en effet, se révéler être une passerelle de premier choix entre la junte et la classe politique malienne. Il faudra attendre ce vendredi 25 septembre et sa prestation de serment pour avoir un début de réponse. Il devra d’ailleurs nommer, quelques heures plus tard, un Premier ministre. La CEDEAO exige également que ce soit un civil. Du côté de Bamako, on imagine que la classe politique réclame cette fois-ci un véritable civil…


Servan Ahougnon


servan ahougnon


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