Depuis plus d’un siècle, l’idée de la voiture volante fascine ingénieurs, cinéastes et amateurs de science-fiction. Des récits futuristes aux prototypes plus ou moins fonctionnels, le rêve d’un véhicule capable de rouler sur la route avant de s’élever dans les airs semblait jusqu’ici réservé à l’imaginaire. Pourtant, les avancées technologiques récentes en matière de propulsion électrique, d’intelligence artificielle et d’aérodynamisme permettent aujourd’hui de donner corps à cette ambition de révolutionner la mobilité urbaine. C’est dans ce contexte que la société Alef Aeronautics vient de franchir une étape historique avec le premier vol public de son Model Zero. Cette démonstration le 19 février 2025 montre l’engin réalisant son décollage vertical et un vol stationnaire dans les airs pendant 40 secondes.
Malgré cette avancée spectaculaire, cette nouvelle relance le débat sur l’avenir des transports et la faisabilité des voitures volantes dans un monde où elles sont encore soumises à de nombreuses contraintes techniques et réglementaires.
Alef Aeronautics : la promesse d’une voiture volante… qui se fait attendre
L’aventure de l’entreprise automobile et aéronautique Alef Aeronautics a débuté en 2015, soit l’année même où les voitures volantes étaient imaginées dans le film de science-fiction Retour vers le futur II (1989). Quatre ingénieurs esquissaient alors leur vision d’une voiture volante sur une serviette en papier dans un café de Palo Alto. Au fil des années, l’entreprise a attiré des investisseurs et a progressivement affiné son design. En 2018, elle a réussi à faire voler un prototype grandeur nature, suivi d’une démonstration privée pour des investisseurs en 2019. En 2021, Alef a par ailleurs recruté Hirash Razaghi, l’ancien designer de Bugatti, pour concevoir un modèle au design futuriste et aérodynamique destiné aux consommateurs.
Pendant des années, Alef Aeronautics a toutefois gardé ses avancées secrètes du grand public, invoquant notamment des préoccupations liées à la propriété intellectuelle et un engagement en matière de sécurité. Jim Dukhovny, son PDG, argue en effet que l’entreprise est « obsédée par la sécurité, et nous voulions nous assurer que la voiture est suffisamment sûre pour les consommateurs avant de la présenter réellement », ajoutant en outre que « vous n’avez qu’une seule occasion de faire une première impression ». Cependant, la longue attente (qui avait d’ailleurs suscité des interrogations sur un manque de transparence de la compagnie) est enfin terminée.
La démonstration réussie d’Alef Aeronautics
Une nouvelle vidéo montre le Model Zero décoller, survoler un SUV stationné et se poser avec succès, le tout en 40 secondes, et ce, pour la première fois en milieu urbain. Dans une publication LinkedIn qui annonce l’événement, Jim Dukhovny déclare que la vidéo de ce vol représente « le premier vol documenté et vérifiable d’une voiture volante (une véritable voiture, avec décollage vertical, non attachée) ».
Il compare également ces images à d’autres premiers vols historiques. « Nous espérons que cela sera un moment similaire à la vidéo des frères Wright à Kitty Hawk qui prouvera à l’humanité qu’un nouveau mode de transport est possible. » (Pour rappel, la vidéo en question est l’enregistrement historique du premier vol motorisé contrôlé de l’histoire réalisé par Orville et Wilbur Wright le 17 décembre 1903, en Caroline du Nord, qui a marqué le début de l’aviation moderne.)
Plus sur la voiture d’Alef Aeronautics elle-même, en décalage avec les eVTOL
La plupart des startups qui développent des voitures volantes adoptent un design similaire à celui des drones quadricoptères avec des hélices externes qui les distinguent des voitures classiques. D’autres ont opté pour des ailes rétractables qui nécessitent malgré tout un grand espace pour le décollage. Le Model Zero d’Alef, qui n’exige quant à lui ni piste, ni aéroport, ni vertiport pour fonctionner, peut être conduit sur route et stationné dans des emplacements standards. Son design plus conventionnel cache en effet des hélices à l’intérieur du châssis du véhicule.
Contrairement aux aéronefs électriques à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) développés par des entreprises comme Joby et Archer, le véhicule d’Alef est en résumé conçu pour fonctionner à la fois comme une voiture et un aéronef. Alef estime que cette particularité en fait la « première véritable voiture volante » au monde à la différence des taxis volants qui opèrent davantage comme des hélicoptères électriques.
D’autres caractéristiques clés

Cette voiture permet à la firme d’envisager un futur où les conducteurs pourront contourner les embouteillages en effectuant de courts vols contrôlés au-dessus des axes congestionnés. L’équipe affirme que le véhicule disposera d’une autonomie d’environ 320 km sur route et d’environ 160 km en vol. Il est doté d’une cabine montée sur cardan pour garantir sa stabilité en vol ainsi que d’un système d’élevage qui permet de contrôler les mouvements verticaux et horizontaux du véhicule et son inclinaison. Par souci de sécurité, l’équipe a choisi de ne pas intégrer d’hélices exposées.
Actuellement, tous les composants clés du véhicule disposent de redondances allant du triple à l’octuple. Le véhicule est également équipé d’un système de détection et d’évitement des obstacles, d’un atterrissage plané et d’un parachute balistique. Enfin, outre des promesses de nuisances sonores réduites, l’équipe affirme que ce véhicule 100 % électrique consomme « moins d’énergie par trajet qu’une Tesla ou tout autre véhicule électrique ».
Un aperçu du futur Alef Model Z
Si le Model A est la future version commerciale, le modèle testé ici est le Model Zero. Il est exclusivement utilisé pour la recherche et le développement. Après le Model Zero et le Model A, l’équipe prévoit toutefois de développer également le futur Model Z d’Alef, dont le prix avoisinerait les 35 000 dollars. Il s’agira d’une berline volante capable d’accueillir quatre personnes. L’équipe envisage d’introduire ce modèle aux alentours de 2035.
Selon Alef, ce modèle pourra voler sur une distance de 320 km avec une autonomie de conduite de 640 km. « Conçu pour rouler sur route, décoller verticalement si nécessaire et survoler le trafic, nous créons la solution aux problèmes d’embouteillages modernes », explique le site web de l’entreprise. « Il s’intègre dans une voie de circulation classique et respecte toutes les réglementations routières. La voiture volante d’Alef peut être stationnée dans une place de parking standard et entrer dans un garage de taille classique. » Contrairement à ses prédécesseurs, cette version devrait disposer de capacités de vol autonomes. À ce jour, la production effective de la voiture volante d’Alef Aeronautics reste en attente.
Quelques questions restent en suspens

Ici, le vol d’essai s’est déroulé dans des conditions particulières. L’équipe avait en effet fermé la route pour s’assurer qu’aucune personne ne se trouvait sous ou à proximité du trajet de vol. La zone environnante était par ailleurs de base peu peuplée, et tous les équipements et équipes de sécurité étaient en alerte. De plus, le modèle utilisé était un prototype ultraléger, ce qui signifie qu’Alef n’a pas encore démontré publiquement des capacités de vol complètes, y compris le déplacement vers l’avant, un élément essentiel pour un usage aérien pratique.
Malgré cela, Alef a annoncé avoir reçu environ 3 300 précommandes pour le Model A et prévoit de lancer la production entre 2025 et 2026. Cependant, la fabrication nécessitera du temps et des investissements considérables. Des retards pourraient ainsi survenir.
Surtout des interrogations liées aux réglementations
Des questions subsistent surtout quant à la sécurité et à l’application concrète des voitures volantes. En effet, l’entreprise doit encore surmonter une montagne d’obstacles technologiques et réglementaires. Et même avec la meilleure des voitures volantes, ils ne seront pas faciles à franchir. La firme devra notamment franchir un long parcours avant d’obtenir la certification du Model A aux États-Unis et prévoit de chercher une autorisation dans d’autres pays en premier lieu.
Elle a certes d’ores et déjà désormais obtenu un Special Airworthiness Certificate (SAC) de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis qui lui permet d’effectuer des vols d’essai limités, mais l’homologation complète pour une circulation aussi bien sur route que dans les airs demeure un défi à long terme. En effet, l’entreprise devra répondre aux normes de sécurité à la fois pour les voitures et les aéronefs, ce qui demandera du temps et des ressources financières importantes avec un risque de limitations sur ses capacités. Par exemple, Dukhovny envisage d’abord de classer le Model A comme véhicule à basse vitesse, ce qui limiterait ainsi sa vitesse à seulement 40 km/h sur route. Cela soulève donc des questions pratiques auxquelles s’ajoute un prix élevé : 300 000 dollars (soit un peu plus de 289 000 euros).
L’aspect réglementaire du vol constitue un défi tellement énorme, notamment en milieu urbain, que des fabricants comme Archer Aviation et Joby Aviation qui ambitionnent de lancer des services de taxis aériens électriques dans les villes et qui travaillent avec la FAA depuis des années pour obtenir une certification et qui ont le soutien de l’armée américaine, n’ont pas encore reçu toutes les autorisations pour transporter des passagers payants dans leurs aéronefs.
Il reste donc encore un long chemin à parcourir avant que la science-fiction ne devienne réalité…