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Afrique du Sud : des souris mangeuses d’oiseaux dans le viseur des autorités

Afrique du Sud : des souris mangeuses d’oiseaux dans le viseur des autorités

  • vendredi 6 septembre 2024
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L’île Marion abrite certaines des espèces d’oiseaux marins les plus emblématiques de la planète. Toutefois, cette petite île isolée dans l’océan Indien se trouve aujourd’hui menacée par un adversaire inattendu : des souris introduites par l’homme au XIXe siècle et initialement inoffensives qui se sont ensuite multipliées à un rythme alarmant et qui consomment aujourd’hui non seulement les œufs, mais aussi les oiseaux adultes eux-mêmes. Face à cette situation critique qui illustre les conséquences imprévues des déséquilibres écologiques créés par l’activité humaine, des initiatives de conservation d’une envergure sans précédent sont mises en œuvre pour tenter de préserver de sanctuaire naturel doté d’un écosystème unique en Afrique du Sud.


Des défis déjà colossaux pour les populations d’oiseaux locales

Nichée dans l’immensité bleu saphir de l’océan Indien se trouve une île isolée connue sous le nom de l’île Marion. Il s’agit d’un site de nidification essentiel pour certains des oiseaux marins les plus importants de notre planète. Il accueille notamment un quart de la population mondiale de l’albatros hurleur, mais aussi le pétrel.

Les populations de volatiles marins accueillies sur cette île sont d’ores et déjà très affaiblies par le changement climatique qui perturbe leur approvisionnement en nourriture et leurs habitats de reproduction. En effet, à mesure que les températures de l’océan augmentent, la répartition et l’abondance des poissons et des autres espèces marines dont ces oiseaux marins dépendent pour se nourrir changent également. Lorsque ces proies se déplacent ou déclinent, les oiseaux marins ont plus de difficultés à trouver suffisamment de nourriture. Cela peut entraîner un succès de reproduction moindre et des difficultés à rassembler suffisamment de nourriture pour les poussins.

De plus, les événements météorologiques extrêmes comme les tempêtes et les vagues de chaleur peuvent détruire les sites de nidification et rendre plus difficile pour certaines espèces d’élever leurs petits. En outre, entre les changements dans la couverture de glace de mer, l’élévation du niveau de la mer et la perte d’habitats, le changement climatique perturbe également leurs schémas migratoires et leurs cycles de reproduction. Ces changements peuvent créer des zones de nidification surpeuplées ou conduire à des conditions de reproduction inadaptées qui ajoutent toujours plus de stress aux populations d’oiseaux marins.


Comme si ce n’était pas suffisant, l’île Marion est le théâtre d’un phénomène inquiétant et macabre : les souris se régalent des œufs et des oiseaux marins même adultes, en particulier des albatros. Or, cela représente un danger de plus pour ces espèces déjà menacées.

Géolocalisation de l'île Marion sur une carte océan Indien
Crédits : Wikimedia Commons

Des souris tellement nombreuses qu’elles s’en prennent aux oiseaux

Ces rongeurs n’ont pas toujours été aussi menaçants. Vraisemblablement introduites pour la première fois sur l’île par erreur par des chasseurs de phoques au début des années 1800, les souris avaient au début un régime alimentaire strictement limité aux plantes et aux invertébrés. Toutefois, les températures plus chaudes dues au changement climatique leur ont permis une période de reproduction plus longue et entraîné une croissance explosive de leur population. Et tous ces animaux doivent ensuite trouver de quoi manger. Dans cette quête de nourriture, les souris se sont tournées vers une ressource facilement accessible sur l’île : les oiseaux. « Pour la première fois l’année dernière, ces souris ont été trouvées en train de se nourrir d’albatros hurleurs adultes », déplore Anderson, le directeur général de BirdLife South Africa.

Les autorités locales font ainsi face à des scènes d’horreur glaçantes : sur cette île tranquille, elles retrouvent des dizaines d’oiseaux marins ensanglantés, certains avec la chair de la tête complètement déchiquetée. Et puisque ces volatiles ont évolué sans prédateurs terrestres sur l’île, ils ne savent tout simplement pas comment réagir aux attaques incessantes des souris. « Les souris montent simplement sur eux et les mangent lentement jusqu’à ce qu’ils succombent », s’inquiète Anderson. « Nous perdons des centaines de milliers d’oiseaux marins chaque année à cause des souris », le tout au cours d’une agonie qui s’étend parfois sur plusieurs jours avant que la mort les délivre enfin de leur douleur.


Sur les 29 espèces d’oiseaux marins qui se reproduisent sur l’île, 19 sont à présent menacées d’extinction localement.

Couple d’albatros prairies marécageuses de l’île Marion site de nidification d'oiseaux
Crédits : I Blom/iStock

Un projet pour sauver la biodiversité locale… une fois pour toutes

Pour faire face à cette situation, l’île Marion avait déjà déployé des solutions pour contrôler la population croissante de souris avec l’introduction de chats sur l’île au milieu du XXe siècle. Cependant, la population féline a explosé et a commencé à s’attaquer également aux volatiles. La situation était telle qu’un nombre stupéfiant de 450 000 oiseaux par an disparaissait des griffes de ces animaux. Les autorités avaient alors dû faire marche arrière en lançant un plan d’éradication totale de ces nouveaux prédateurs qui n’a abouti qu’en 1991.

Pour ne pas refaire la même erreur et assurer la conservation des oiseaux, un projet ambitieux nommé Mouse-Free Marion (ou Marion Sans Souris en français) va bientôt entrer en scène. Cette nouvelle initiative visera à déployer des hélicoptères pour bombarder 600 tonnes de granulés empoisonnés avec du rodenticide sur l’île. Le financement de ce projet est toujours en cours, mais environ un quart des 29 millions de dollars nécessaires déjà collectés. Si le financement aboutit, la stratégie sera de frapper au cours de l’hiver 2027, lorsque les souris sont les plus affamées et que les oiseaux nicheurs d’été auront en grande partie quitté l’île.


Cependant, le succès de cette opération n’est pas assuré. Il faudra en effet recouvrir avec précision chaque centimètre de cette île de vingt-cinq kilomètres de long et dix-sept kilomètres de large. « Nous devons nous débarrasser de chaque dernière souris », souligne Anderson. « S’il restait un mâle et une femelle, ils pourraient se reproduire et éventuellement revenir à la situation actuelle. »

Une leçon pour l’avenir

L’avenir des oiseaux marins de l’île Marion reste pour l’heure incertain. En tout cas, cette saga qui semble être sans fin est un rappel s’il en fallait de la manière dont nous sommes intimement liés à notre environnement et de l’équilibre fragile qui existe au sein de nos écosystèmes. Cela montre que tout changement dans l’ordre naturel des choses peut entraîner des conséquences à long terme dont on ne mesure l’envergure que bien plus tard… parfois même lorsque c’est trop tard pour retourner en arrière.

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