(Agence Ecofin) - Selon l’OCDE, les industries créatives génèrent 2250 milliards $ et 3% du PIB global annuel. 93% de ces revenus sont générés en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. L’Afrique et le Moyen-Orient génèrent seulement 58 milliards $ (2,5%) selon l’UNESCO, et ceci malgré l’énorme potentiel africain.
En Afrique, l’un des principaux freins à l’apport économique des industries créatives et culturelles est le manque de données sur l’activité du secteur. Le problème a été évoqué ces dernières années par de nombreuses études. Comme l’explique l’Unesco, « la nature informelle des industries culturelles et créatives et le manque de données qu’il entraine sur les opérations du secteur signifie fait qu’il échappe souvent aux politiques gouvernementales ».
Effectivement, de nombreux prestataires, du secteur de la mode ou de la photographie, par exemple, ne sont affiliés à aucune entreprise. Lorsqu’ils fournissent leurs services, les fonds générés ne sont pas forcément déclarés ou même comptabilisés pour pouvoir estimer la rentabilité de leur secteur d’activité. Cela empêche les gouvernements du continent de proposer des programmes de subventions ou d’accompagnements pour ces activités dont les revenus sont difficilement traçables. Le problème touche aussi des secteurs très suivis comme le cinéma.
Tous les spécialistes africains admettent (en fait supposent) que Nollywood, l’industrie cinématographique nigériane, progresse en termes d’apport au PIB. Pourtant, lors du sommet international du film et de la télévision au Nigeria (NIFS), plusieurs communications ont félicité Nollywood « qui contribue à 2,3% du PIB local ». Ce chiffre date pourtant de 2016, lorsque le cabinet britannique PwC avait estimé la contribution de Nollywood « à 2,3 % du PIB du Nigeria, avec 600 millions $ générés ».
Des statistiques du chercheur Nosa Igbinadolor, reprises par le dernier African Trade Report de Afrexibank, ont estimé que Nollywood contribuerait à 6,4 milliards $ au PIB nigérian qui s’est élevé à environ 407 milliards $. Si l’estimation est juste, le secteur a contribué à environ 1,6% du PIB. Mais en l’absence de mesures nationales pour confirmer ou infirmer ce chiffre, celui de 2016 est répété dans tous les évènements. Pour ne rien arranger à la clarté des données du secteur, l’Unesco, de son côté, a estimé en 2021 que tout le cinéma africain a généré 5 milliards $.
Lorsque le manque de chiffre ne conduit pas à une impression de stagnation, des données contradictoires peuvent réfréner l’intérêt des institutions bancaires qui préfèrent investir dans un secteur qui affiche des progrès ou est tout au moins capable de fournir des données cohérentes. Le manque de données complique donc la tâche pour obtenir des investissements, aussi bien publics que privés, pour un secteur comme le cinéma qui est pourtant un des plus susceptibles d’aider l’Afrique à générer plus de revenus grâce à ses industries créatives et culturelles.
Le blockbuster hollywoodien, « The Woman King », totalement basé sur une histoire africaine, a généré 19 millions $ de revenus dès sa première semaine d’exploitation. Le film a coûté environ 50 millions $, un investissement qui devrait être remboursé dans le premier mois d’exploitation de la production. Cette histoire africaine aurait eu beaucoup de mal à obtenir un budget similaire sur son continent d’origine où les institutions financières locales n’ont pas assez de données pour investir dans le cinéma. Finalement, cette histoire africaine a bénéficié d’investissements étrangers et généré des revenus hors du continent.
Servan Ahougnon