Les ruines de cet ancien observatoire solaire trônent au sommet d’une petite colline, à 400 kilomètres de Lima, la capitale du Pérou. Les affres du temps n’ont pas totalement détruit le site archéologique de Chanquillo (ou Chankillo pour les anglophones). Les treize tours de l’observatoire suivent ainsi toujours la course du Soleil et indiquent la période de l’année à quelques jours près. Il s'agit donc d'un calendrier de grande ampleur érigé par une civilisation précolombienne.
L’observatoire solaire utilisé comme lieu de culte
Témoignant d'un culte du Soleil très sophistiqué, c’est également l’observatoire le plus vieux d’Amérique. Construit aux alentours de 400 av. J.-C., il aurait été conçu par le peuple Casma-Sechin, une civilisation d’Amérique du Sud disparue depuis longtemps. En comparaison, les Incas, pour qui la place de notre étoile était prédominante dans leur culture, apparurent pendant le XIIIe siècle. De ce fait, la société Casma-Sechin fut précurseur en matière d’observation du cycle du Soleil, astre qu’elle déifiait.

« Chankillo a été construit environ 1700 ans avant que les Incas ne commencent leur expansion. Maintenant, nous savons que ces pratiques sont un peu plus anciennes et étaient très développées à l’époque de Chankillo », témoigne Ivan Ghezzi de l’Université catholique pontificale du Pérou, rédacteur d'un article publié en 2007 sur le site Science.

Entré au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2021, l’édifice archéoastronomique fait l’objet de fouilles depuis les années 2000. En 2007, les archéologues ont découvert des offrandes entreposées sur le site : poteries, statuettes, et autres artefacts. Ces objets témoignent de l'ampleur significative des rites pratiqués en lien avec l’observatoire solaire de Chanquillo.

Un calendrier précis
Hormis la symbolique religieuse, l’observatoire détermine les moments importants de l’année, comme les équinoxes (le Soleil traverse le plan équatorial terrestre, la durée du jour égale celle de la nuit) et les solstices (le Soleil rejoint le point le plus méridional ou septentrional selon le plan équatorial terrestre, la durée du jour est maximale au solstice d’été, minimale au solstice d’hiver).
L’édifice se compose de treize tours, orientées nord-sud et minutieusement alignées, formant une chaîne dentelée. Aux instants clés de l’année, le Soleil se lève et se couche exactement entre ces interstices. À l’aide de ces deux points d’intersection à l’aube et au crépuscule, les anciens habitants de la province de Casma pouvaient se repérer dans le temps avec un écart n’excédant pas un à deux jours. Ce calendrier monumental aurait permis à cette civilisation de calculer avec précision les dates des cérémonials sacrés, des plantations et des moissons.
« Il s’agit donc d’un témoignage de l’aboutissement d’une longue évolution historique des pratiques astronomiques dans la vallée de Casma », déclare Ivan Ghezzi.




L’auteur de l’étude rajoute que « Chankillo est sans doute le plus ancien calendrier solaire qui peut être identifié comme tel avec confiance dans les Amériques. De nombreux sites indigènes américains se sont avérés contenir une ou quelques orientations solaires putatives. En revanche, Chankillo fournit un ensemble complet de marqueurs d’horizon et deux points d’observation uniques et incontestables ».

Lors de la parution de l’article en 2007, seulement 1% du site de Chanquillo avait été examiné. Les investigations se poursuivent donc et les chercheurs espèrent révéler certains mystères sur la civilisation Casma-Sechin encore relativement méconnue. Il en va de même concernant l’observatoire solaire et son implication profonde sur les coutumes de cette société précolombienne.
Le Pérou, berceau de nombreux peuples, dévoile ainsi peu à peu sa riche histoire. Les archéologues ont également découvert 25 géoglyphes géants près de Nazca et un temple de la culture Chimú au cœur de ce pays ces dernières années.