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Tanzanie : comment John Magufuli veut faire du secteur minier une locomotive économique

Tanzanie : comment John Magufuli veut faire du secteur minier une locomotive économique

  • vendredi 27 novembre 2020
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(Agence Ecofin) - « Les recettes publiques générées par le secteur minier tanzanien devraient afficher une progression de 33%, d’ici 3 ans ». L'annonce du ministre des Mines, Doto Biteko, relayée par plusieurs médias cette semaine, est l’un des plus récents gages de la détermination du gouvernement tanzanien à tirer beaucoup plus de revenus de ses ressources minérales. Contrairement à certains discours sans lendemain, l’équipe conduite par le président John Magufuli travaille depuis au moins trois ans sur divers chantiers afin d’atteindre cet objectif. Réélu à la tête du pays il y a trois semaines pour un nouveau mandat de cinq ans, le chef d’Etat tanzanien n’entend pas s’arrêter avant d’avoir fait des mines un des poumons de l’économie nationale. L’agence Ecofin vous propose un décryptage des efforts déjà fournis, des fruits qu’ils portent et des chantiers restants.


La méthode Magufuli


L’élection de John Magufuli à la tête de la Tanzanie en 2015 marque une rupture dans la gestion des affaires publiques. Décidé à permettre à son pays de mieux profiter des richesses de son sous-sol, celui qu’on surnomme le « Bulldozer » n’hésite pas à se mettre à dos les grandes compagnies actives dans le secteur.


1Barrick


Barrick Gold finira par céder aux exigences de John Magufuli et à mieux partager la manne aurifère.


En mars 2017, John Magufuli décide d’imposer un embargo sur les exportations de minerais bruts d’or, de cuivre, de nickel et d’argent afin de forcer les compagnies étrangères à effectuer leur traitement sur le sol national. Il se bat contre la corruption et lance très rapidement divers audits, notamment dans le secteur minier, mettant à jour diverses affaires de fraudes fiscales et de sous-déclaration des exportations minières au vu de la production annuelle du pays. Le symbole de cette lutte est le conflit avec Acacia Mining, filiale de Barrick, qui aboutira à la disparition de cette société.


Lire aussi : 13/06/2019 - Tanzanie : comment le Président Magufuli a mis hors-jeu la compagnie Acacia Mining en 12 épisodes


Le travail d’assainissement du secteur minier engagé s’est traduit par une hausse des revenus. Par exemple, l’Etat tanzanien a enregistré 528 milliards de shillings (227,1 millions $) de revenus dans le secteur minier sur la période allant de juin 2019 à juin 2020, soit une hausse de 52,6% en glissement annuel.


Par exemple, l’Etat tanzanien a enregistré 227 millions $ de revenus dans le secteur minier sur la période allant de juin 2019 à juin 2020, soit une hausse de 52,6% en glissement annuel.


L’or, qui a joué dans cette hausse un rôle majeur, sera tout aussi essentiel pour l’atteinte des nouveaux objectifs qui consistent à faire passer la contribution des Mines à l’économie de 3,5% à 10% d’ici 2025.


2Doto Biteko


Le ministre des Mines, Doto Biteko, vise une progression des recettes publiques minières de de 33%, d’ici 3 ans.


Les recettes générées par le secteur doivent également passer à plus de 700 milliards de shillings (302 millions $) en 2023 ou 2024, soit une hausse de 33 %.


L’or sera la clé


Si les revenus générés par le secteur aurifère tanzanien ont augmenté cette année, c’est grâce à la signature d’un accord avec le géant minier Barrick pour régler le problème Acacia Mining. La compagnie s’est engagée à verser 300 millions $ à l’Etat pour régler l’ensemble des différends. Elle a également créé une filiale, Twiga Minerals, dans laquelle l’Etat détient une participation de 16% et a droit à la moitié des bénéfices générés par l’ensemble des activités minières dans le pays. C’est une grande victoire quand on sait, qu’ailleurs sur le continent, les redevances minières excèdent rarement 3% et plafonnent à 5%. Le gouvernement a d’ailleurs récemment reçu un premier versement en espèces de 250 millions $, de la part de Barrick.


L’Etat détient une participation de 16% et a droit à la moitié des bénéfices générés par l’ensemble des activités minières dans le pays. C’est une grande victoire quand on sait, qu’ailleurs sur le continent, les redevances minières excèdent rarement 3% et plafonnent à 5%.


Selon un rapport de la Banque centrale, relayé par Bloomberg, les recettes d’exportations aurifères de la Tanzanie ont bondi de 43% en glissement annuel pour la période allant de janvier à août 2020. Alors que le pays abrite la manne touristique que représente le Kilimandjaro, plus haute montagne d’Afrique, le métal jaune a quand même dépassé le tourisme en tant que principale source de devises. S’il faut tempérer cette observation, en raison de la pandémie de Covid-19 et de son double effet sur le prix de l’or en hausse et la chute des voyages dans le monde, c’est tout de même révélateur de la bonne santé du secteur qui sera la clé pour la réalisation des nouveaux objectifs.


Pour accroître le poids de l’or, l’Etat continue d’attribuer de nouveaux permis à plusieurs compagnies et de soutenir le développement de nouvelles mines. On peut citer AngloGold Ashanti qui a obtenu le droit de convertir sa mine à ciel ouvert Geita, en une exploitation souterraine capable de produire de l’or pour plusieurs années encore. Plus récemment, OreCorp a obtenu un permis d’extraction de l’or à son projet aurifère Nyanzaga, alors que la compagnie Shanta Gold prévoit l’entrée en production de sa mine d’or Singida, l’année prochaine.


Contrôle accru de l’exploitation artisanale


Une véritable lutte a été engagée contre la contrebande et l’exploitation clandestine de l’or, véritables épines dans le pied de plusieurs juridictions minières en Afrique. Des centres d’achats de la production issue de l’orpaillage ont été installés à travers le pays afin de décourager les ventes sur le marché noir.


Des centres d’achats de la production issue de l’orpaillage ont été installés à travers le pays afin de décourager les ventes sur le marché noir.


Toujours en vue d’améliorer la gestion du secteur artisanal, le pays peut compter sur le soutien de l’organisation helvétique Swisssaid. Cette dernière a lancé en 2018 un projet qui s’étale jusqu’en 2022 et qui vise à « améliorer les normes minières et commerciales dans le sous-secteur des mines à petites échelles qui emploient environ 1,5 million de personnes en Tanzanie ». Il s’agit notamment d’améliorer la sécurité des travailleurs dans ces mines et de formaliser l’activité minière, toutes choses qui contribuent à faire grandir le rendement et donc les taxes versées à l’Etat.


Les nouvelles industries en ligne de mire


En dehors des ressources aurifères qui font la renommée de la Tanzanie (le pays est l’un des principaux producteurs en Afrique), la nation héberge d’autres richesses dans son sous-sol comme les terres rares et le graphite, actuellement au centre des attentions pour leur importance dans les technologies du futur.


3Mahenge Liandu


Le projet Mahenge Liandu pourra livrer 109 millions de tonnes de graphite par an, sur 15 ans.


Citons à cet effet « l’énorme potentiel commercial » du projet de graphite Mahenge Liandu qui peut générer, selon l’étude de faisabilité publiée par son propriétaire Armadale Capital en juin dernier, 985 millions $ de flux de trésorerie avant impôts sur 15 ans. Durant cette même période, la mine pourra livrer annuellement 109 millions de tonnes de graphite.


Plusieurs permis d’exploration pour les terres rares ont été accordés ainsi qu’un permis minier tout récemment à Peak Resources, pour lancer l’exploitation du projet de terres rares Ngualla. A cela s’ajoute le développement prochain des projets de sables minéraux Tajiri et Fungoni par Strandline Resources. L’Etat compte également exporter des minéraux comme l'étain, le tantale ou encore la wolframite.


Attention au climat des affaires !


Après avoir réussi à faire plier le géant minier Barrick, le président John Magufuli réfléchit à utiliser la même recette pour toute l’industrie minière. Si les choses se sont bien passées dans le premier cas, rien ne garantit que cela continuera, d’autant plus que les investisseurs se méfient désormais de la Tanzanie. Selon le dernier sondage annuel sur l’attractivité des juridictions minières, publié en février dernier par le Fraser Institute, la Tanzanie était classée comme la pire juridiction minière au monde. Elle détient la cuiller de bois du classement de 76 pays, ravissant cette place peu enviable au Venezuela.


4welcome to tanzania


Revers de la médaille : les investisseurs se méfient désormais de la Tanzanie...


Cette situation ne risque pas de s’arranger si l’homme fort du pays persiste à se mettre à dos indéfiniment les compagnies minières. « Les investisseurs n’ont pas l’assurance que les règlements sont appliqués en temps voulu et de manière uniforme, et qu'ils recevront les exemptions auxquelles ils ont droit en vertu de la loi », confie à Bloomberg Ed Hobey-Hamsher, analyste senior chez Verisk Maplecroft.


Emiliano Tossou & Louis-Nino Kansoun


Louis Nino Kansoun


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