(HEC PARIS ) - Entretien avec Armelle Dufour, Directeur des projets Global Initiative d’HEC Paris.
En quoi consiste le partenariat triennal noué cette année entre HEC Paris et la BEAC ?
Armelle Dufour : Le dispositif global du partenariat avec la Banque des États de l’Afrique Centrale comprend, pour cette première année deux accompagnements distincts : le premier à destination des membres de son Gouvernement, et le second pour les hauts cadres.
Ces programmes, qui diffèrent par leurs cibles et leurs besoins, ont pour finalité globale d’harmoniser les lignes managériales et les actions collectives initiées par les 6 états membres.
Le déploiement du partenariat se poursuivra en 2021 et en 2022, dans un souci d’amélioration continue et de transfert de compétences.
40 hauts dirigeants de la Banque centrale ont pris part cette année au programme, quels en sont les objectifs ?
Armelle Dufour : Le Parcours Manager dispensé pour la première fois cette année à 40 hauts cadres s’articule autour de 3 grands axes thématiques :
- Le premier est consacré au management, au leadership et à la connaissance de soi. À travers des boites à outils, des travaux en groupes, des séances de coaching et des échanges passionnés, les participants apprennent à oser et à reconsidérer leur propre capacité à innover pour construire différemment.
- Les techniques financières font l’objet du deuxième module pour renforcer la capacité d’analyse au travers d’outils financiers et d’indicateurs de risque, de liquidité et de solvabilité. L’occasion pour les apprenants de s’approprier des outils concrets, permettant d’établir des diagnostics ciblés sur la performance des entreprises, et contribuer ainsi à la création de valeur pour les parties prenantes du secteur bancaire.
- Un dernier module concerne la stratégie digitale. Celui-ci apprend aux participants à créer les conditions de maturité numérique des collaborateurs, dans une perspective de transformation digitale.
Ainsi, 27 participants sur 40 inscrits ont pu recevoir leur certificat le 2 novembre dernier, lors d’une cérémonie officielle en présence du Vice-Gouverneur de la banque, M. Dieudonné Evou Mekou.
La banque est un secteur en première ligne de la transformation digitale. Selon vous, quels impacts aura la crise en termes de gestion managériale ?
Armelle Dufour : La banque se classe en 4e position des secteurs les plus transformés numériquement, derrière les technologies de l’information et de la communication, les médias et les services professionnels. L’économie de demain se construira sur la base de trois superlatifs : hyper-digitalisation, hyper financiarisation, hyper-concentration.
Face à ces défis, une réorganisation, un changement de paradigme, et une reconsidération des prises de décisions et des stratégies portées par les technologies numériques et le Big Data sont de mise.
Dans le domaine bancaire, la disparition probable de certains métiers liés à la gestion administrative, les menaces liées à l’intégration de l’intelligence artificielle sur les process de décision, le développement de la fonction d’analyste big data et les exigences de la e-réputation rendent plus que jamais nécessaire l’acculturation des collaborateurs à la transformation digitale. Du marketing digital en passant par des formations expliquant la puissance et les dangers des réseaux sociaux, la sécurité des données, et les opportunités induites par le digital, tous les aspects de ce qu’on nomme déjà la 4ème révolution industrielle doivent être enseignés. Cette acculturation permettra de conduire des réflexions novatrices, et de déployer des stratégies proactives, innovantes et sécurisantes pour l’écosystème bancaire.
La crise de la COVID-19 a-t-elle des effets sur la manière de repenser le management ?
Armelle Dufour : Aux côtés de la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la BEAC, nous construisons des parcours adaptés aux besoins et à la situation économique particulièrement bouleversée par la crise liée à la COVID-19.
Cette crise, qui a des conséquences sur l’organisation du travail, amène les entreprises à repenser leurs modèles en matière de management à distance, de cyber sécurité et de télétravail. Il est nécessaire de repenser les stratégies de conduite du changement pour accompagner les collaborateurs dans l'usage de nouveaux outils. Plus que jamais, le télétravail pourrait inciter à collaborer davantage, en dehors de toute hiérarchie : ce mode de fonctionnement invite à repenser les notions de confiance, d'autonomie et de délégation.
HEC Paris est également partenaire de la BCEAO depuis plus de 8 ans. Quelles différences et similarités y a-t-il entre ce programme, et celui que vous conduisez avec la BEAC ?
Armelle Dufour : Notre partenariat avec la BCEAO initié il y a plus de 8 ans propose actuellement aux banques de la zone UEMOA des formations digitales et présentielles sur des expertises aux standards internationaux. Celui entrepris avec la BEAC commence par des actions de formation en interne, qui seront élargies dès l’année prochaine aux hauts dirigeants des banques de la zone CEMAC.
L’objectif commun de ces partenariats est de professionnaliser la filière financière et bancaire, et ainsi de créer une culture commune de performance et d’inclusion.
L’expertise en finance internationalement reconnue d’HEC Paris est à la hauteur des besoins colossaux du continent en matière d’infrastructures. Ces besoins nécessitent des experts et praticiens de haut niveau capables de gérer efficacement les financements publics et privés, et les compétences du continent dans ce registre sont encore insuffisantes. Les banques, par leur positionnement, ont un rôle stratégique à jouer en développant leur capital humain.
Contribuer ainsi au renforcement des compétences managériales des dirigeants des institutions financières et bancaires illustre parfaitement la stratégie internationale déployée par HEC Paris sur le continent depuis quelques années.
En délivrant nos programme in situ, plus de 25 000 cadres africains ont ainsi pu être formés localement depuis 10 ans. Dans une logique d’hybridation managériale public privé, nos programmes s’adressent aux hauts cadres des administrations publiques, des organisations financières et du secteur privé.
