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Ahmad Ahmad le magnifique

Ahmad Ahmad le magnifique

  • vendredi 27 novembre 2020
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(Agence Ecofin) - Dans son best-seller, Gatsby le magnifique, Francis Scott Fitzgerald décrit la personnalité comme « une suite ininterrompue de gestes réussis ». C’était le cas d’Ahmad Ahmad, élu président de la CAF en 2017, avant que son mandat ne se décline en une interminable succession de scandales. Suspendu, cette semaine, de toute activité liée au football, celui qui s’était présenté aux élections pour apporter plus de transparence dans la gestion de la Confédération africaine de Football (CAF) ne semble pas avoir été meilleur que le prédécesseur auquel il ne voulait pas ressembler.


Ce 23 novembre 2020, la FIFA a annoncé que Ahmad Ahmad n’est plus président de la CAF. A la suite de plusieurs enquêtes, celui qui préparait sa campagne pour les prochaines élections à la tête de l’instance faitière du football africain a non seulement été démis, mais également privé d’élections et suspendu pendant 5 ans de toute activité dans le domaine du football professionnel. S’il semblait résister à la tempête de scandales qui s’abattait sur lui depuis plusieurs mois, l’intéressé semblait savoir depuis quelques jours déjà la sanction qui lui était réservée. La semaine dernière, elle lui a été annoncée au terme de plusieurs heures de discussions avec la Commission d’éthique de la FIFA.


1Ahmad Ahmad


L’histoire d’Ahmad Ahmad est celle d’un passionné de football.


Mais, le football est loin d’être un simple travail pour Ahmad Ahmad. Aussi, a-t-il saisi le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour ne pas avoir à s’éloigner de ce sport qui le passionne depuis son plus jeune âge.


Pour l’amour du football


L’histoire d’Ahmad Ahmad est celle d’un passionné de football. Né à Madagascar, dans la ville de Mahajanga, le 30 décembre 1959, il a toujours été passionné par le sport, en particulier le football. Son quotidien est rythmé par l’agriculture, l’élevage et le commerce que lui apprennent ses grands-parents avec qui il vit à Tambohorano. En grandissant, il joue au foot, entre autres disciplines, mais pas assez pour faire carrière.


2Mahajanga copy


Le célèbre baobab de Mahajanga.


Après l’obtention de son baccalauréat, en 1979, il suit pendant 2 ans un cours préparatoire en droit public et privé. Mais visiblement, le sport lui manque.


Après l’obtention de son baccalauréat, en 1979, il suit pendant 2 ans un cours préparatoire en droit public et privé. Mais visiblement, le sport lui manque.


En 1981, il décide d’entrer à l’Ecole normale supérieure de Madagascar, au sein de la filière d’Education physique et sportive (EPS). Il en sort avec une maitrise en 1986. Il enseigne ensuite quelque temps l’EPS au collège de Tambohorano, avant de partir se perfectionner en France à l’Université Claude Bernard de Lyon, où il obtient un Master 2 en management des organisations sportives. Parallèlement à ses études, Ahmad Ahmad passe ses diplômes d’entraîneur auprès de la Fédération malagasy de Football (FMF) et obtient sa certification d’entraineur fédéral de 3ème degré. En 1989, il devient entraineur à l’AC Sotema, le club de football de Mahajanga, sa ville natale.


Une longue route jusqu’ à la tête de la CAF


En 1988, Ahmad Ahmad s’engage dans la vie politique locale et devient le patron du service des sports de la ville de Mahajanga jusqu’en 1993, tout en étant conseiller technique régional de football. En 1993, il devient directeur de la population et du développement social au ministère de la Population. L’année suivante, Ahmad Ahmad fait son entrée dans le gouvernement malgache, en tant que secrétaire d’Etat chargé des Sports. Mais, le natif de Mahajanga s’éloigne à nouveau du sport. De 1995 à 1996, il est nommé conseiller technique à l’Assemblée nationale. Il devient ensuite directeur du cabinet du ministre de la Pêche. En 1998, il est nommé président de la société d’Etat Somacodis.


A ce moment, on le pense définitivement éloigné des cercles de gestion du sport. Pourtant, en 2003, Ahmad Ahmad se présente aux élections à la tête de la fédération malgache de football. Il est élu et devient de ce fait membre du comité exécutif de la Confédération africaine de football.


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« Vous savez, en politique, la notion d’usure du pouvoir est une réalité.»


En 2014, tout en étant président de la fédération de football, il entre au gouvernement en tant que ministre de la Pêche. Il quitte ce département ministériel en 2016, lorsqu’il est nommé sénateur, puis ensuite vice-président du Sénat, adoubé par le président Hery Rajaonarimampianina.


A ce moment, on le pense définitivement éloigné des cercles de gestion du sport. Pourtant, en 2003, Ahmad Ahmad se présente aux élections à la tête de la fédération malgache de football. Il est élu.


En novembre, Ahmad Ahmad, toujours président de la Fédération malgache de Football, présente sa candidature pour remplacer le Camerounais Issa Hayatou, en place depuis 1988, et candidat à sa propre succession, à la tête de la CAF. « Mon objectif n’est pas de le faire trembler, mais de le battre. Monsieur Hayatou qui est en fonction depuis plus de trente ans est le garant d’un héritage. En dépit de tout le respect que j’ai pour lui, il y a un devoir d’inventaire à mener. Vous savez, en politique, la notion d’usure du pouvoir est une réalité. Après sept mandats, il est tout à fait naturel de sombrer dans une espèce de léthargie et de routine où la force de l’habitude freine toute velléité de changements et de réformes », déclare Ahmad Ahmad.


« Mon objectif n’est pas de le faire trembler, mais de le battre. Monsieur Hayatou qui est en fonction depuis plus de trente ans est le garant d’un héritage.»


Il annonce durant sa campagne de nombreuses réformes et se présente comme le vent du changement face à une administration Hayatou qui semble déconnectée des réalités du football actuel. Le discours fait mouche et Ahmad Ahmad est élu le 7 mars 2017 au terme d’un scrutin historique. A ce moment, il est vu comme l’espoir d’un renouveau pour une institution empêtrée dans des scandales de corruption et de mauvaise gestion.


Controverses et suspension


Dès les premiers jours de son mandat, Ahmad Ahmad marque une différence avec son prédécesseur. Plus ouvert et plus accessible, Ahmad Ahmad se rapproche des différentes fédérations et se démarque du management distant d’Issa Hayatou. Il modernise les compétitions africaines, révise leurs formats et la périodicité des compétitions de la CAF. La coupe d'Afrique des nations passe d'un format de 16 à 24 équipes. Elle est déplacée à juin alors qu’elle se déroulait en janvier et perturbait la saison en club des internationaux africains.


La coupe d'Afrique des nations passe d'un format de 16 à 24 équipes. Elle est déplacée à juin alors qu’elle se déroulait en janvier et perturbait la saison en club des internationaux africains.


Les compétitions de clubs sont également réformées. La CAF prend aussi en charge les indemnités et frais divers des officiels des matchs de la CAF pour protéger les arbitres de la corruption. Ahmad Ahmad impose également la licence CAF PRO pour entraîner sur le continent. Il se dirige vers une première année sans faute, lorsque les premières controverses le rattrapent.


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Il se dirige vers une première année sans faute, lorsque les premières controverses le rattrapent.


Déjà accusé de corruption lors de son passage à la tête de la fédération malgache, où il était accusé d’avoir reçu des pots-de-vin pour aider le Qatar à remporter l’organisation de la Coupe du monde 2022, Ahmad Ahmad est désormais impliqué dans des scandales plus importants. Le 6 juin 2019, il est interpellé par la police parisienne alors qu’il se trouve en France pour une cérémonie de la FIFA. Il est accusé d’avoir rompu unilatéralement le contrat qui liait la CAF à l’équipementier Puma – pour s’associer à la place à la société française Tactical Steel.


Le 6 juin 2019, il est interpellé par la police parisienne alors qu’il se trouve en France pour une cérémonie de la FIFA.


Les premières accusations avaient été émises par l’égyptien Amr Fahmy, ancien secrétaire général de la CAF décédé en février 2020. Selon lui, le surcoût du nouveau contrat avoisine les 739 000 euros. A partir de ce moment, les problèmes vont s’enchainer pour Ahmad Ahmad. Aux soupçons de corruption, succèderont des accusations de harcèlement sexuel puis de surfacturation. Finalement, toujours en juin 2019, officiellement à la demande du président de la CAF, la FIFA envoie la Sénégalaise Fatma Safoura, sa secrétaire générale, en tant que déléguée générale de l’organisation pour l’Afrique. Pendant plusieurs mois, elle s’occupe de la « tutelle » de l’organisation faitière du football africain pour « accélérer son processus de réforme ». Elle quitte cette fonction en février 2020.


Dans les faits, Ahmad Ahmad récupère la direction de la CAF, mais a complètement perdu son aura de réformateur. Il est désormais la cible de nombreuses accusations. Cela ne l’empêche pas de se présenter, après quelques semaines d’hésitation, à sa propre réélection. « J’ai réfléchi. Vous savez, je viens d’une tribu, à Madagascar, où la coutume veut, qu’à partir d’un certain âge, et j’ai 60 ans, on revienne à la maison. Avant de me décider, j’ai aussi écouté. Ceux qui m’ont élu en 2017 m’ont dit que le bilan était positif, même si on peut toujours améliorer les choses. J’ai donc décidé d’assumer mes responsabilités et d’accepter d’être candidat. Nous nous sommes employés à réformer la CAF pour qu’elle réponde aux standards internationaux. C’était important de le faire, notamment pour nos partenaires présents et futurs. Nous avons amélioré les choses au niveau administratif et de la gestion financière ».


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« Je viens d’une tribu, à Madagascar, où la coutume veut, qu’à partir d’un certain âge, on revienne à la maison.»


Pour lui, les différentes accusations dont il fait l’objet sont normales. « Si vous n’êtes pas attaqué, c’est que vous n’avez pas bougé. Et plus vous bougez, plus on vous attaque. Ce qui est décevant, c’est d’être attaqué par des gens à qui vous avez accordé votre confiance, qui sont à vos côtés. Mais la traîtrise fait partie de la vie. On m’a par exemple accusé d’avoir volé 24 millions de dollars à la FIFA. Mais quand j’ai demandé à mon directeur de cabinet d’enquêter, il a constaté que la FIFA avait versé deux fois de l’argent à la CAF par inadvertance, et que la CAF avait simplement remboursé le versement de trop. Un jour, la vérité sortira », déclare Ahmad Ahmad.


« Si vous n’êtes pas attaqué, c’est que vous n’avez pas bougé. Et plus vous bougez, plus on vous attaque. Ce qui est décevant, c’est d’être attaqué par des gens à qui vous avez accordé votre confiance, qui sont à vos côtés. Mais la traîtrise fait partie de la vie.»


Et pourtant…Ahmad Ahmad ne sera pas réélu. Le 23 novembre il est suspendu par la FIFA. Le communiqué de la Commission d’éthique de l’organisation est virulent. Il l’annonce « coupable d'avoir enfreint les articles 15 (Devoir de loyauté), 20 (Acceptation et distribution de cadeaux ou autres avantages) et 25 (Abus de pouvoir) de l'édition 2020 du code d'éthique de la FIFA, ainsi que l'article 28 (Détournement de fonds) de son édition 2018 ». Vu comme un espoir, Ahmad Ahmad sort par la petite porte, de manière encore moins glorieuse qu’Issa Hayatou, ce prédécesseur à qui il ne devait absolument pas ressembler.


Servan Ahougnon


servan ahougnon


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